Isabelle Eberhardt |
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exploratrice, journaliste, écrivain |
Genève 1877 Aïn Sefra 1904 |
Isabelle EBERHARDT
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Personnage hors du commun, c’est par sa vie tout autant que par son œuvre qu’ Isabelle Eberhardt a manifesté sa fascination pour le Maghreb. |
Rien ne prédisposait Isabelle Wihelmine Eberhardt au destin algérien qui fut le sien. Fille illégitime de Nathalie de Moerder, épouse d’un général dont elle avait trois enfants, elle fut déclarée de père inconnu, sous le nom de jeune fille de sa mère. Bien que des obscurités subsistent sur sa naissance, il semble bien que son père était Alexandre Trophinowsky, précepteur des enfants. Ce dernier était un philosophe érudit, polyglotte et anarchiste, disciple de Bakounine1. Elle fut élevée à Genève dans un milieu peu conventionnel et reçut une éducation libertaire, avant-gardiste pour son époque. Cependant, malgré - ou à cause - de cet anticonformisme, Isabelle a une culture étendue, de larges connaissances en différents domaines, et commence même des études de médecine. Très tôt, elle manifeste le désir d’horizons plus larges que ce que peut lui offrir le ciel européen et une attirance pour l’Islam qui fut peut-être due à l’expérience de son demi-frère, Augustin, engagé en Algérie dans la Légion Étrangère à Sidi-Bel-Abbès. En 1897, à l’âge de 20ans, elle s’embarque pour l’Algérie. Elle s’installe à Bône (aujourd’hui Annaba) avec sa mère, mais celle-ci décède un an plus tard. Cette première expérience est décisive pour son avenir. Elle comprend qu’elle a trouvé le lieu et la civilisation qui lui permettent de réaliser ses tendances à une vie d’aventure. C’est là aussi qu’elle trouvera la paix intérieure à laquelle, assez paradoxalement , elle aspire. Elle s’installe tout d’abord à Batna en 1899. Le manque d’argent l’oblige à rentrer quelques temps en Europe, mais elle retourne en Algérie. Chargée par la marquise de Morès de retrouver les assassins de son mari tué dans le Sud tunisien2. elle part munie de quelques subsides. Sa découverte du désert, la méditation et la solitude sont pour elle une vraie révélation. Elle mène une vie nomade, habillée en homme bédouin, ce qui lui permet de mieux pénétrer les milieux musulmans. Elle suit les pérégrinations lentes des nomades ou les randonnées des goumiers dont elle partage la vie, dormant à même le sol à la belle étoile, roulée dans une couverture ou partageant la tente fruste Elle apprend l’arabe et se convertit à l’Islam. Elle prend un nom arabe : Mahmoud Saadi. Adepte d’une secte secrète religieuse elle parcourt inlassablement le pays, en particulier le sud algérien : Timgad, Biskra, Touggourt, les Aurès et aussi Tunis. En 1901, elle fait l’objet à Batna d’une tentative d’assassinat, orchestrée par la confrérie des Tidjania , adverse de celle des Kadériyas à laquelle elle a adhérée. Blessée, elle est hospitalisée à El-Oued (Souf). Soupçonnée d’activités anticoloniales, elle est expulsée d’Algérie. C’est alors que le 17 octobre 1901, elle épouse Slimane Ehnni, musulman de nationalité française, sous-officier de spahi, rencontré quelques années avant. Le mariage a lieu à Marseille. De ce fait, elle obtient la nationalité française. De retour en Algérie, elle collabore au journal arabophile El-Akhbar, dirigé par Victor Barrucand. Elle publie des reportages, nouvelles et récits divers dans des journaux parisiens er locaux, ce qui lui donne une certaine notoriété. Des troubles ayant lieu près de la frontière marocaine, elle est envoyée sur place comme reporter de guerre. En octobre 1903, elle fait la connaissance de Lyautey3 qui apprécie ses connaissances de l’Afrique et son sens de la liberté. Fin 1904, elle tombe malade du paludisme et est hospitalisée quelques semaines à Aïn Sefra, petite bourgade algérienne. C’est là que le 21 octobre, jour même de sa sortie de l’hôpital, survient une furieuse tempête. L’oued en crue submerge la ville basse. Sa maison est détruite. Son corps sera retrouvé sous les décombres six jours plus tard. Elle avait vingt sept ans. Slimène Ehnni a eu la vie sauve. Isabelle repose à Aïn Sefra dans un petit cimetière musulman, la tête tournée vers l’Orient. Un sac contenant des manuscrits endommagés a été confié à Barrucand. Celui-ci s’est attaché à publier en quatre volumes ses textes, pour la plupart inédits, non sans quelques ajouts et corrections. Isabelle a beaucoup écrit. Ses carnets de voyage décrivent la vie dans les petites bourgades du Sud algérien, celle des nomades des pillards, des femmes. A travers ses impressions personnelles transparaissent la mélancolie, l’angoisse, mais aussi la sérénité devant le spectacle mystérieux du monde. On y trouve certains thèmes qui lui sont chers, comme le refus de la civilisation, la valorisation de la nature et un réel amour pour la terre et le peuple qui l’ont accueillie Odette Goinard D’après Albert Memmi ; Écrivains francophones du Maghreb Ed. Seghers 1985 1 Mikahail Bakounine (1814-1876) : philosophe russe, révolutionnaire, théoricien de l’anarchisme. 2 Voir la vie d’Antoine Morès dans Les Cahiers d’Afrique du Nord,n° 5. 3 Voir la biographie de Lyautey dans Les Cahiers d’Afrique du Nord n°11.
Mentions Une rue de Genève porte le nom d’Isabelle Eberhardt En juillet 2015, fut joué au Festival d’Avignon Isabelle aux mille visages, pièce de théâtre écrite par Aurélie Namur.
Œuvres principales - Nouvelles algériennes - Dans l’ombre chaude de l’Islam - Au pays des sables - Amours nomades - Mes journaliers - Écrits sur le sable (2 tomes) - Yasmina et autres nouvelles algériennes - Écrits intimes - Notes de route : Maroc Algérie, Tunisie - Sud Oranais - Le trimardeur
Bibliographie De nombreux auteurs se sont penchés sur la vie aventureuse d’Isabelle Eberhardt. Citons entre autres : - Robert Randau. Paris Charlot 1945 - Edmonde Charles Roux . 2 tomes : - Un désir d’Orient, Jeunesse d’Isabelle Ebhrard 1877-1899 - Nomade j’étais, les années africaines 1899-1904 - Tiffany Tavernier . Tallandier 2016 - Khalifa Benamara (Alger 2005) |