Il est natif de la région de Rodez et fils d'un soldat ayant pris part à la conquête de l'Algérie et qui exerça ensuite le métier de géomètre, tout en gardant un goût prononcé pour les voyages. Camille n'est pas un très bon élève, mais suit ses études jusqu'à l'âge de dix-sept ans, puis , en 1880, monte à Paris pour les terminer.:.

Enfant solitaire et de santé fragile, il se passionne pour la géologie la zoologie, la botanique dont il acquiert de bonnes bases qui lui serviront plus tard...

Durant son séjour à Parisien , lectures aidant,  son goût pour le continent africain ne fait que s'accroître. Contrairement à ceux de Barth et Duveyrier, son père ne s'oppose pas à son projet. Douls se met sans tarder à l'étude de l'arabe, puis part deux ans au Maroc pour parfaire son éducation musulmane en apprenant les lois coraniques ainsi que les mœurs et les coutumes.

Comme Caillié, il souhaite se faire passer pour un musulman et pour cela se fait circoncire. En outre, brun et mince, il est aidé par son physique.

En 1886, il décide de visiter le nord du Sahara occidental - en l'occurrence, la région du Sous. Son projet est téméraire, car si, en Europe, l'Orient fascine son époque, les dix dernières années n'ont été qu'une suite de voyages catastrophes pour nombre d'explorateurs qui y ont laissé la vie.

Les conditions politiques de cette période sont simples. En Algérie, la France prend progressivement place dans le Sud, alors qu'au Maroc le sultan Moulay Hassan vient de soumettre la région de l'oued Noun et du Sous où il est interdit à tout Européen de pénétrer. En cette fin d'année 1886, Douls a vingt-deux ans, et il part pour les îles Canaries. Son idée est de se faire déposer par des pêcheurs sur les côtes africaines où il prétendra être un commerçant algérien, d'origine turque, ayant fait naufrage.

Aux Canaries, les autorités essaient de le dissuader, mais il rencontre le consul de France. « Le consul de France, baron de Chassériau, qui habite les Canaries depuis de longues années, lui donna des renseignements très précis sur la côte voisine.

Je lui expliquai alors comment j'espérais, sous un déguisement, tromper les Maures et parvenir dans le Sud marocain. Ma conviction, mes espérances, ma bonne foi finirent par l'ébranler et il m'aida à mettre mon projet à exécution avec une courtoisie au-dessus de tout éloge. »

Arrivé à Lanzarote, il a des difficultés à trouver des pêcheurs pour l'amener sur la côte car ceux-ci refusent d'approcher les abords du Rio de Oro. Enfin, il rencontre le patron d'une goélette, nommée Adelaida et qui doit partir pêcher sur les côtes du Rio de Oro. Il lui explique son projet.

Le 18 janvier 1887, il embarque enfin sur le petit bateau espagnol qui doit le débarquer deux jours plus tard à la hauteur du cap Gamet. La veille de son arrivée, il passe la nuit à discuter de son projet avec les pêcheurs. « Une partie de la nuit se passa à causer. Don Camilio m'avait cédé sa couchette et, dans la cabine, éclairée par une lampe fumeuse, une douzaine de Pêcheurs couchés pêle-mêle au-dessous de moi me parlaient des Maures et de leur férocité. Il était dit que jusqu'au dernier moment on agiterait devant mes yeux le spectre de la barbarie. Mais l'habitude familiarise avec tous les épouvantails, et l'on m'avait tant conté d'histoires de brigands depuis quelques jours que j'étais rebelle à toute émotion. Le doyen des pêcheurs nous avait écouté parler.

« Quel âge avez-vous? » me demanda-t-il tout à coup.

« Vingt-deux ans », répondis-je. Alors, se retournant vers les autres pêcheurs : « Por Dios, es un nijio ! » (Mon Dieu, c'est un enfant!) et s'adressant à moi en se signant: « Que le bon Dieu et la Vierge Marie vous accompagnent, mon fils! »,

Le lendemain, deux marins le conduisent rapidement sur la plage avec ses bagages, le hissent sur une petite falaise et s'empressent de rejoindre le large.

Tournant le dos à la mer face au sable du désert et à ses dangers, il est désespérément seul.

« j'étais sur la terre d'Afrique, en plein désert, seul et isolé surle territoire d'un peuple barbare et fanatique, abandonné sur une côte inhospitalière où les chrétiens sont massacrés. En me trouvant seul tout à coup sur cette côte déserte, ma première impression ne fut pas celle de l'effroi. Je n'avais pas conscience du danger auquel je m'exposais, j'étais jeune et j'avais confiance en ma bonne étoile.

Enfin, après une longue course, brûlé par le soleil, mourant de soif, tombant de fatigue, j'étais sur le point de m'affaisser sur le sol pour reprendre haleine, lorsque j'aperçus au loin quatre Maures. Leur vue me raffermit et je me hâtai d'aller à leur rencontre. Deux de ces Maures étaient des jeunes gens, les autres étaient d'un âge mûr. Vêtus de peaux de bêtes, à moitié nus, une longue et épaisse chevelure répandue sur leurs épaules, le poignard au côté et un fusil à la main, ils s'avançaient, parlant avec animation et fortement intrigués palr mon apparition. Les Maures me regardaient comme des chiens en arrêt et, dans leurs yeux sauvages, je pus lire, tour à tour, les sentiments divers qui agitaient leur âme : d'abord leur étonnement en m'entendant parler, leur doute et puis leur conviction que j'étais un chrétien; enfin, leur désir de me piller et de me tuer. »

Sa connaissance du Coran jette le trouble dans l'esprit des Maures qui finissent par se demander s'ils ne sont pas en train de torturer un des leurs. Quelques jours plus tard, la décision est prise de le conduire devant un saint homme, le marabout cheik Ma El Aynim. «J'avais toujours les Pieds enchaînés, je me levai avec un bruit de fer qui attira l'attention de tout le monde et je m'avançai vers le cheikh Ma El Aynin, ce fut un moment solennel que je n'oublierai jamais. Il me dit de m'asseoir tout près de lui. Je touchai presque ses vêtements. Il me tendit alors sa main droite, que je baisai, comme je l'avais vu faire aux nomades. Puis, d'une voix brève mais bienveillante, il me fit plusieurs questions. Il connaissait de nom l'Algérie. Je lui parai de ce pays comme de ma patrie en lui disant que j'étais Français, mais que ce titre n'enlevait rien à la qualité de musulman; que chez nous il y avait des musulmans aussi croyants que dans le Sahara: que l'Algérie avait donné le jour à beaucoup de saints personnages, et que nous, possédions des zaouias vénérées dont la l'admiration s'étendait jusqu'au Soudan.

Sais-tu la fatiha? me dit le cheik. Et, sur ma réponse affirmative, il me dit de la réciter à haute voix. Quand j'eus terminé. il me demanda si je savais écrire en arabe. Je lui  répondis que, sans être un lettré et un thaleb, je savais l'écriture nécessaire aux besoins de mon négoce. Il me pria d'écrire mon nom sur le sable avec un bout de bois. Je m'exécutai aussitôt. Quand j'eus ainsi répondu d’une manière satisfaisante à toutes ses questions, il prit la parole et, s'adressant aux Maures qui attendaient avec anxiété son jugement: « Mes frères, gloire à Dieu ! cet homme est un vrai musulman. Enlevez-lui les fers, rendez-lui ce que vous lui avez pris, et accueillez-le dans votre tribu comme un frère. Gloire à Dieu, le clément et le miséricordieux ! »

Durant de longues sernaines, Douls évolue parmi les Maures, apprend à les connaître et commence ses observations d'ethnologue. De jour en jour, l'atmosphère se détend autour de lui, jusqu'à laisser naître des amitiés qui lui permettent de récupérer quelques objets dont sa boussole volée le premier jour. Grâce à celle-ci, il note lors de son déplacementles différentes orientations de sa caravane.Cinq mois durant, Douls vit avec les Maures, questionnant ceux-ci sur les autres régions, obtenant de temps à autre des renseignements, comme par exemple sur le Djouf, « désert des déserts » qui sera baptisé par Théodore Monod la Madjabat el Koubra. Son expérience est unique. En cette fin du XIX^ème siècle, il est le premier Européen à vivre au sein d'une communauté indigène, au point même de participer à des rezzous contre d'autres tribus. « La tribu des Ouled Delimdont j'étais l'hôte, a dans le Sahara occidental une réputation de férocité qui n'est pas du tout surfaite. Toutes les fois qu'un Ouled Delim trouve une occasion de tuer ou de piller, il la saisit avec empressement, et ses instincts farouches sont redoutés de tous les autres Maures nomades».

Il est le deuxième Européen à entrer à Tindouf, où Oscar Lenz l'a précédé en1880. Là, il séjourne trois jours et décrit les marchés d'esclaves en provenance de Tombouctou. Il est surpris par l'hospitalité et l'accueil chaleureux qu'il reçoit dans cette oasis, véritable plaque tournante du commerce caravanier entre le Maghreb et le Soudan (qui ne sera occupé par les Français qu'en 1931).

A son retour dans la Seguiet el Hamra où sa tribu est établie, un événement tout à fait inattendu survient. Ibrahim, le chef du campement, a beaucoup d’estime pour lui et en gage de confiance va lui proposer sa fille, Eliazize, alors âgé de douze ans.

Pour Camille Douls, cette proposition a une double importance, elle est d'abord un honneur et une preuve de l'extrême confiance qu'on lui accorde mais c'est aussi une occasion de s'enfuir du campement. Il demande à aller chercher sa dot, fixée à sept chameaux, et il déclare à son futur beau-père qu'il doit se rendre à Marrakech pour l'en ramener. Ibrahim accepte d'accompagner son protégé.

De Tarfaya à Marrakech, la route est longue et dangereuse car il faut traverser le Draa puis l'Atlas, région des grandes tribus berbères. Leur première étape est Goulimine, qu'il mentionne comme étant un grand marché chamelier de la région. Il note également le rôle important des Juifs dans l'économie locale. Il est présenté au caïd local qui en plus de son hospitalité, lui remet une lettre d'introduction à l'attention de son frère demeurant à Marrakech.

La route pour rejoindre Marrakech lui semble interminable, le paysage désertique disparaît progressivement, remplacé par de nombreuses cultures verdoyantes. Enfin Marrakech, la capitale de l'empire, est en vue. Douls est confiant, il est méconnaissable, amaigri, le crâne rasé. Personne ne songerait à prendre ce nomade loqueteux pour un chrétien. Et pourtant, le frère du caïd le soupçonne et le fait arrêter

par les hommes du sultan. Une fois de plus, insouciant mais chanceux, il se lie d'amitié avec son geôlier, qui se trouve être un Luxembourgeois, ex-légionnaire enfui de Sidi-Bel-Abbès, désormais au service du sultan. Il luiraconte son aventure et le geôlier prévient la délégation anglaise, qui entame immédiatement des démarches pour sa libération. Il rejoint le consulat de France à Mogador qui le fait embarquer sur-le-champ pour la France via Gibraltar.

Il publie de nombreux articles dans la presse et réalise plusieurs conférences sur son voyage, dont certaines à la Société de géographie de Paris où il rencontre Henri Duveyrier. En janvier 1888, il est admis comme membre de la Société de géographie, ce qui lui permet d'être appuyé dans ses projets,notamment par Duveyrier. Il souhaite rejoindre Tombouctou par le Maroc. Pour cela, il obtient une somme de la Société de géographie.

Pour parfaire son déguisement, Douls a l'idée de se faire passer pour un pèlerin marocain, ce qui l'oblige à une connaissance de la topographie des lieux et des rituels des Lieux saints. Sans aller à La Mecque, il va à Tanger puis gagne Suez. Là, il se mêle aux pèlerins marocains et revient à Tanger.

Quelques semaines plus tard, Camille Douls quitte Tanger pour le Tafilalet sous le nom d'El Hadj Abd el-Malek. Onne le reverra jamais plus.

Ayant traversé le Tafilalet, il gagna le Touat où il fut reconnu comme Européen. Cependant, le chérif de Reggan le reçut et lui donna une lettre de recommandation pour la famille du célèbre El Bakkay de Tombouctou. Il avait pris comme guide deux Touaregs de l'Azaouad qui disaient pouvoir le conduire à Tombouctou. L'enquête, menée par les officiers des Affaires Indigènes, prouve qu'ayant dépassé Akbli située au sud-ouest d'Aoulef, Douls fut étranglé le 6 février 1889 durant une halte. Il était alors âgé de vingt-cinq ans.

 

 

^1. Extrait de l'ouvrage L'exploration du Sahara, préface de Théodore Monod - Actes Sud (Babel). Jean-Marc Durou est l'auteur de nombreux livres sur le Sahara (voir notre rubrique Livres).