Henri d’Orléans

Duc d’Aumale

 
 

Paris, 1822
Giardinello (Italie), 1897

 

Prince de France

Gouverneur général de l’Algérie

 

Nous relatons ci-dessous la carrière militaire en Algérie du duc d’Aumale. Homme de grande culture, historien, bibliophile et esthète, il a constitué une fabuleuse collection d’objets d’art : peintures, dessins, livres précieux. A son retour d’exil en 1871, il a fait restaurer son château de Chantilly, dont le Musée Condé est devenu l’écrin de ses collections. Ce domaine, revenu par testament à l’Institut de France, est ouvert au public. Cette année, où l’on fête le bicentenaire de la naissance du duc, sont notamment exposés de nombreux documents provenant d’Algérie : manuscrits richement calligraphiés, actes de propriétés, livres de comptes, manuels de grammaire, de calcul, de théologie, d’astronomie. Sont rassemblés aussi de très nombreux dessins orientalistes, un carnet de voyage de Delacroix, de magnifiques travaux de Fromentin et de Descamps.

Né le 16 janvier 1822 à Paris, Henri d’Orléans, titré duc d’Aumale, est le cinquième fils de Louis-Philippe d’Orléans et de Marie-Amélie de Bourbon, princesse des Deux-Siciles. Il a aussi trois sœurs ainées. On lui donne pour parrain Louis-Henri de Bourbon, prince de Condé, père du Duc d’Enghien, fusillé dans les fossés du château de Vincennes sur ordre de Napoléon, et pour marraine Adelaïde d’Orléans, sœur de Louis-Philippe. Au décès de son parrain, qui l’a institué son légataire universel, il est l’héritier à l’âge de huit ans, d’un énorme patrimoine de biens mobiliers et immobiliers, comprenant entre autres le domaine de Chantilly (Oise) et d’immenses forêts en Thiérache.

Le jeune Henri reçoit dès l’âge de trois ans un méticuleux programme de soins et d’éducation. A cinq ans, ses parents lui donnent pour précepteur le préfet du collège de Ste Barbe, Alfred Cuvillier-Fleury, qui le suivra tout au long de sa vie. A dix ans, il entre au collège Henri IV. Il fait des études brillantes et se distingue par ses talents de dessinateur.

Ses études n’empêchent pas les déplacements. Il va avec ses frères et sœurs dans la belle campagne de Louis-Philippe à Neuilly, vaste domaine de 500 hectares où les enfants se plaisent fort. Il est à Neuilly le 28 juillet 1830 lorsque se déroulent les événements mettant fin au règne de Charles X et portant au trône Louis Philippe, devenu «roi des Français». Il séjourne aussi au château d’Eu, propriété de son grand père, le duc de Penthièvre, restaurée par Louis-Philippe. Aumale est trop jeune pour s’occuper du domaine de Chantilly, dont la gestion est confiée à un conseil de famille, présidé par son père. C’est durant sa minorité qu’ont débuté les célèbres courses de Chantilly.

Les années au collège n’ont pas occulté sa vocation militaire, très tôt ressentie. Il n’a pas encore quinze ans lorsque le secrétaire d’État à la guerre, Bernard, l’informe qu’il est nommé au grade de sous-lieutenant d’infanterie. Il peut donc déjà porter un uniforme d’officier. Il est promu lieutenant l’année suivante, puis capitaine un an plus tard. Le 21 août 1839 il reçoit l’ordre de rejoindre le camp de Fontainebleau et le 4ème régiment d’infanterie légère auquel il est affecté. Il fait ainsi ses premiers pas dans la carrière militaire, accompagné de l’un de ses frères, de son précepteur et de l’officier instructeur attaché à sa personne. Soumis à un apprentissage rigoureux, sa santé s’en ressent, mais sa vocation d’officier se confirme. Nommé chef de bataillon, il est détaché à l’état-major de la division de l’Armée d’Afrique .

Les Français ont débarqué en Algérie, qui ne portait pas encore ce nom, le 1er juillet 1830. Durant les premières années, l’occupation s’est restreinte à Alger et à quelques places sur le littoral. Mais les kabyles et les nomades n’étaient pas décidés à voir la France s’établir en paix. Le fils d’un marabout de Mascara, Abd-el-Kader, âgé de vingt- cinq ans, a attaqué Oran en 1832. Un traité l’a rendu maître du pays compris entre le Chéliff et le Maroc. En 1835, il remporte à La Macta un succès sur le général Trézel. Puis, Le maréchal Clausel prend l’offensive et s’empare de Tlemcen. En juillet 1837, le traité de Tafna a rendu Abd-el-Kader maître de l’intérieur. Mais la guerre a repris en 1839. Abd-el-Kader envahit la Mitidja et fait massacrer les colons.

Le duc d’Orléans, dit Chartres, frère aîné du Duc d’Aumale commande une division sous les ordres du général Valée. Aumale l’accompagne en qualité d’officier d’ordonnance. L’armée française prend l’offensive, la division du duc d’Orléans étant tête. Le 27 avril, l’armée marche sur les hauteurs de l’Afroun et rencontre les troupes du bey de Milianah.

Alors, raconte Aumale dans le journal de cette campagne : « quelques cavaliers s’avancèrent et firent la fantasia en nous lançant des coups de fusil ; une balle vint ricocher aux pieds de mon cheval, je la saluai ; c’était mon baptême. » Puis, le duc d’Orléans fait donner l’ordre de faire avancer son régiment. C’est le tour d’Aumale de porter l’ordre. Il écrivit ce compte-rendu :

« C’était à moi de marcher, je ne me le fis pas dire deux fois ; quand j’arrivai aux chasseurs, ils marchaient en bataille au galop ; je cherchai le colonel je ne le vis pas ; la charge commençait ; ma foi, je ne pouvais ni ne voulais m’en aller ; je poussai mon cheval et je tâchai d’aller de mon mieux. C’était magnifique, tous les hommes, l’œil en feu, les armes à la main, couchés sur leurs chevaux ; devant nous, à cinq ou six pas, les burnous blancs des Arabes qui se retournaient pour nous tirer des coups de fusil ou de pistolet ».

Les troupes, pendant une quinzaine de jours, ne participèrent pas à des opérations importantes, en attendant des renforts d’Oran. A l’arrivée de ceux-ci, nouvelle marche en avant, à l’assaut du col de la Mouzaia puis de Médéa. C’est au col de la Mouzaia que se place le geste du duc d’Aumale donnant son cheval au colonel Gueswiller :

« Je trouvai Gueswiller épuisé, assis par terre, sans pouvoir avancer, je me jetai à bas de mon cheval, je le forçai à monter, et me fiant à mes jambes de 18 ans, je rejoignis à la course les grenadiers qui marchaient en avant des tambours. J’arrivai au moment où l’on plantait sur la position le drapeau du 23ème. Quand je vis ces braves soldats de tous les régiments confondus, courant encore pour lancer quelques derniers coups de feu aux ennemis qui s’enfuyaient, quand je vis cette scène imposante de la nature éclairée par le soleil couchant, le délire me prit comme les autres ; je me mis à pleurer comme un veau et, jetant ma casquette en l’air, je criai « Vive le Roi », de toute la force de mes poumons essoufflés. J’assistai alors à une scène magnifique ; Lamoricière, Duvivier, Changarnier, arrivaient à pied, débraillés, sans col, cou verts de sueur et de poussière, leurs habits criblés de balles, pêle-mêle avec des soldats de toutes armes. Dès qu’ils virent Chartres, ils fondirent en larmes, et, pendant cinq minutes : Vive le Roi, Vive le Duc d’Orléans ! C’est tout ce qu’on put tirer d’eux. »

Le 17 mai Aumale entre à Médéa. Il est cité à l’ordre du jour de l’Armée d’Afrique le 18 mai. Il est fait chevalier de la Légion d’honneur le 22 juin et promu lieutenant-colonel le 25 juin. Il s’embarque pour la France le 28 mai 1840.

Louis-Philippe a fait en sorte que les périodes d’activité militaire de son fils n’interrompent pas trop longtemps la poursuite de son éducation. Il est initié au droit public français par le comte Pellegrino Rossi, éminent professeur d’économie politique au Collège de France, et reçoit des leçons de mathématiques, langues étrangères, instruction militaire. Il effectue un séjour familial au château d’Eu et séjourne en septembre à Chantilly où il chasse avec ses frères. Le 24 septembre 1840, il se voit confier la direction de l’École de tir au dépôt du Bataillon de Tirailleurs à Vincennes où seront formés des instructeurs pour les bataillons de chasseurs à pied.

Très sensible aux charmes des femmes, ce jeune homme séduisant noue des liaisons. La première est une certaine Albertine Coquillard, danseuse à l’Opéra, une autre est une actrice du nom d’Esther. Et puis il y a Héloïse, dont il aura de la peine à se détacher.

Mais Aumale garde la nostalgie de l’Afrique où il veut retourner. Il redoute que les charmes de la vie parisienne le détournent de sa vocation. Il veut partir le plus vite possible. Il sera exaucé. Le 19 février, le duc de Dalmatie lui notifie sa nomination de lieutenant-colonel au 24ème régiment d’infanterie de ligne, qui sert en Algérie et il s’embarque le 10 mars à Toulon. Son séjour sera plus long que le précédent.

C’est le général Bugeaud qui commande alors les troupes françaises en Algérie. Il a réuni à Blida d’importants approvisionnements destinés à ravitailler la garnison de Médéa et des troupes pour la relever. Aumale est à Blida le 1er avril et il commence à écrire son journal.

Les arabes et les kabyles tentent d’empêcher le ravitaillement de Médéa. Le 24ème passe à l’attaque :

« Quand on arriva sur la position, une fusillade assez vive s’engagea ; je fis mettre la baïonnette au canon, battre la charge ; c’était vraiment très beau. Je m’aperçus que les arabes, suivant leur tactique ordinaire, refusaient le centre afin de tourner nos ailes. Je fis avancer fortement l’épaule gauche, ce qui accula l’ennemi dans un ravin, d’où il ne pouvait sortir que difficilement. L’occasion était bonne pour pincer cette cavalerie si difficile à atteindre et je me préparais à descendre sur elle lorsqu’un officier d’état-major m’arrêta ».

Mais la lutte pour débloquer Médéa continue :

« J’étais, alors engagé dans le défilé des Mines de cuivre, fusillé sur mon flanc gauche par une centaine de Kabyles (qui furent délogés une heure après par deux compagnies du 17ème). Je fis coucher mes hommes dans une partie du chemin qui est creux, sans envoyer de flanqueurs, malgré beaucoup d’avis, pour éviter des blessures inutiles ; je tins simplement ma compagnie de grenadiers toute prête à chasser les Kabyles qui voudraient trop s’approcher ».

Le comportement d’Aumale à l’armée est apprécié de ses supérieurs ainsi que de ses camarades de combat. Selon un officier du 24ème, le lieutenant Ducrot, écrivant à son père : « il est impossible de trouver un jeune homme plus aimable, plus gracieux qu’Henri d’Orléans. Comme lieutenant-colonel, il est parfait : administration, comptabilité, discipline, il s’occupe de tout, et ce qui paraîtra plus extraordinaire, est un homme entendu. Il est brave autant qu’un Français peut l’être, désireux de prouver à la France qu’un prince peut faire autre chose que parader. Avec un lieutenant-colonel comme le nôtre, personne ne peut rester en arrière. »

Le journal du duc d’Aumale s’arrête le 2 juin. Il ne sait pas encore que le 27 mai il a été promu colonel du 17ème régiment d’infanterie légère qui se trouve aussi en Algérie. Il ne reçoit en effet à Blida la lettre du ministre de la Guerre que le 5 juin. Il prend immédiatement le commandement de son nouveau régiment le 6 juin. Il est chargé de conduire à Médéa un convoi de deux cents mulets, lui confiant pour exécuter cette mission trois bataillons et vingt-cinq gendarmes maures. « C’est une responsabilité un peu lourde pour mes épaules de dix-neuf ans, mais je tâcherai de m’en tirer » écrit-il. Il s’en tire et ramène à Médéa les troupes qu’on lui a confiées. Mais il tombe malade. C’est alors que le 17ème et le 23ème légers sont rappelés en France pour être relevés par des régiments métropolitains.

Remis de sa maladie, Aumale embarque pour la France avec le 17ème léger le 26 juillet. Louis-Philippe a organisé ce retour comme une marche triomphale de Marseille à Paris. Durant un mois et demi, le régiment, populaire pour ses campagnes d’Afrique, et son jeune colonel, martial et séduisant, marcheront d’étape en étape, pour gagner leur caserne de Courbevoie. L’accueil sera particulièrement chaleureux à Lyon. Une nombreuse population attend le duc d’Aumale. Lorsqu’il parait à la tête de son régiment, les applaudissements éclatent à la vue du glorieux drapeau de 17ème léger. C’est dans l’enthousiasme populaire que se poursuivra cette route par Mâcon, où Lamartine, président du Conseil général, lui souhaite la bienvenue; puis Arnay-le-Duc, Auxerre, Joigny, Sens, Montereau, Melun, Corbeil. A Paris, la foule se presse dans la rue du faubourg Saint Antoine ; c’est alors qu’Aumale échappe à un attentat qui aurait pu lui couter la vie. A la hauteur de la rue de Charonne, un homme, mêlé à un groupe de badauds, tire sur le duc qui n’est pas touché. Celui-ci aura cette phrase : « il parait qu’on commence à me compter pour quelque chose puisqu’on veut me tuer ». Le coupable, nommé Quénisset sera condamné à mort, mais gracié par le roi.

Durant toute cette période, extrêmement occupée, le jeune homme ne trouve plus de place pour les femmes. Il revoit cependant Héloïse, mais pour une courte durée. Il préfère se consacrer à ses études auxquelles il tient beaucoup. Mais un évènement tragique survient le 13 juillet 1842, le décès subit de son frère, le duc d’Orléans, du fait d’un accident de voiture à cheval. C’est un choc terrible pour Aumale, particulièrement attaché à son aîné avec lequel il avait débuté sa carrière militaire.

Dès lors, il souhaite retourner en Afrique. Promu maréchal de camp, il reçoit le commandement de la brigade de Médéa et de la province du Titteri. Accueilli à Alger par le Général Bugeaud le 18 novembre 1842, il part avec lui en expédition à l’intérieur, recevant au passage les soumissions de diverses tribus. Il prend possession de son gouvernement à Médéa au début de 1843, mais il n’a pas beaucoup de temps pour organiser son secteur car Bugeaud l’engage dans diverses expéditions visant à poursuivre l’émir Abd-el-Kader et sa Smala. Celle-ci, composée d’une vingtaine de milliers d’hommes et de femmes, est difficile à saisir. Elle se déplace, selon les ordres de l’émir, allant de point d’eau en point d’eau. Elle est défendue par cinq mille soldats, dont deux mille cavaliers.

C’est à Boghar qu’Aumale rassemble au début de mai les forces dont il peut disposer contre Abd-el-Kader : deux bataillons d’infanterie de ligne, un bataillon de zouaves, soit mille trois cents fantassins, trois escadrons de spahis sous les ordres du colonel Yusuf, et trois autres escadrons de chasseurs d’Afrique, commandés par le lieutenant-colonel Morris. Il a aussi un détachement de gendarmes et deux pièces d’artillerie de montagne. Des éléments de cavalerie indigène complètent ces forces.

Un renseignement a fait savoir que la Smala est à Goudjila. Les 11, 12 et 13 mai, la colonne, par marches forcées, atteint Goudjila, mais la Smala n’y est plus. Elle s’est dirigée vers le sud-est. Divisé en deux colonnes, le rendez-vous des bataillons est fixé à la source de Taguin. Une épuisante marche de nuit commence. Au petit jour, les traces du passage tout récent de la Smala se lisent sur le sol. A sept heures, le soleil commence à chauffer. Les chevaux sont épuisés, les hommes à bout de forces. Le duc d’Aumale décide de chercher un lieu de bivouac où il y ait de l’eau et de l’herbe. C’est alors que le capitaine et un agha, envoyés en avant, découvrent la Smala entière à Taguin. Laissons parler Aumale : « Lorsque nous vîmes cette ville de tentes et cette fourmilière d’hommes qui couraient aux armes, alors je compris qu’il fallait engager tout le monde et que l’audace seule pouvait décider du succès… Les escadrons indigènes d’Alger ont acquis dans cette journée une belle réputation. La panique des gens aurait gagné une troupe moins solide, ils ont montré une valeur remarquable.. Lorsque l’action cessa, tous les Arabes étaient disséminés dans les tentes et se livraient au pillage. Jamais on n’a pris un butin pareil. Outre des sommes considérables d’argent, on prit encore tous les burnous rouges qui devaient investir des aghas ou des Kaids, des gandourah destinées à des gens de loi, des armes de prix en grand nombre, des vêtements, des manuscrits précieux, des bijoux, etc.. Nos Arabes enlevèrent une foule d’esclaves noirs des deux sexes, plusieurs milliers d’ânes, quelques centaines de chameaux, des chevaux, des juments.. Malheureusement, nous étions tous si peu nombreux, et tous si fatigués, qu’il me fut impossible d’apporter dans la répartition de ces prises l’ordre que j’aurais voulu y introduire… Quant aux prisonniers, tous ceux qui furent reconnus comme des gens de marque, furent immédiatement mis à part et placés sous bonne garde. Mais pour la population dont le nombre était si supérieur au nôtre, on ne put s’occuper de les prendre toutes; tous les individus de l’un et l’autre sexe, qui vinrent demander l’aman, furent établis auprès de notre camp. On se borna à les protéger plutôt qu’à les garder. Quant à ceux qui s’échappèrent, ils furent complètement dépouillés par les Ouled- Chaib et les Ouled-Moktar, errant sans guide et au hasard dans le désert, ils y seront pour la plupart morts de soif et de faim…

Ce n’était pas une Smala ordinaire, la réunion de quelques serviteurs fidèles autour de la famille et de richesses d’un chef, c’était une capitale ambulante, un centre d’où partaient tous les ordres et se traitaient toutes les affaires importantes, où toutes les grandes familles pouvaient trouver un refuge sans pouvoir échapper ensuite à l’inquiète surveillance qui les y retenait, et autour de ces grandes familles se groupaient des populations immenses dont les éléments hétérogènes étaient incapables d’agir seuls.. Je ne crois pas être taxé d’exagération en disant qu’il y avait près de vingt mille âmes autour du douar d’Abd-el-Kader . »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La reddition d’Ab-el-Kader par A. Regis

La prise de la Smala a rendu le duc d’Aumale très populaire. Il désire rester encore quelques temps en Afrique pour continuer le travail qu’il a entrepris, mais le roi en a décidé autrement et lui fait donner un congé de trois mois qui va lui permettre de rester en France. Aumale a 21 ans. Sa famille souhaite qu’il se marie. Le problème n’est pas simple. Il lui faut une princesse catholique, mais celles-ci ne sont pas nombreuses.. Il fait un voyage en Italie. A Naples, il rencontre sa cousine germaine, Marie-Caroline, fille du prince de Salerne et de sa tante Adelaïde de Bourbon-Sicile, familièrement appelée Lina. Après de nombreuses tractations, le mariage aura lieu à Naples le 25 novembre 1844. Ils auront huit enfants, dont deux fils décédés en bas âge et deux autres ayant atteint l’âge adulte : Louis, prince de Condé, et François, duc de Guise. Jusqu’à sa mort, en 1869, Lina sera une parfaite épouse et Aumale, qui ne lui fut pas toujours fidèle, en conçut, lorsqu’il la perdra, une réelle douleur.

Mais son aventure africaine n’est pas terminée. Malgré tout l’intérêt qu’Aumale porte au domaine de Chantilly, ainsi qu’au château de Chateaubriand dont il est propriétaire, c’est vers l’Algérie que se porte sa pensée. Le 6 mars 1846, il reçoit du ministre l’autorisation d’y retourner.. Depuis sa victoire sur Abd-el-Kader, on pense en haut lieu qu’il devrait y occuper la fonction de Gouverneur Général. Mais telle n’est pas l’intention de Bugeaud. Il lui confie les subdivisions de Médéa et de Miliana. La tâche du duc d’Aumale sera de pacifier les montagnes du Titeri en bordure de la province de Constantine. C’est au cours de ces opérations, qu’il fonde au bordj de Sour-Ghousdan, un poste définitif destiné à s’agrandir et qui porte le nom d’Aumale. En 1847, Bugeaud, affaibli par la maladie, décide de partir, mais il veut auparavant obtenir la soumission de la Grande Kabylie. Cette soumission étant acquise, il part pour la France le 5 juin. Malgré les réticences de Bugeaud de voir Aumale prendre les rênes de l’Algérie nouvelle, c’est sur celui-ci que se porte ce choix. Le 11 septembre 1847, le général Trézel notifie au duc d’Aumale sa nomination par le roi son père, en qualité de gouverneur général de l’Algérie .

Le duc d’Aumale est reçu par de grandes démonstrations à Alger. Sa présence symbolise l’intérêt que porte la Couronne à la terre conquise d’Afrique. Il passe à Alger tout le mois d’octobre, mettant en place l’administration nouvelle. Sa femme et son fils Louis viendront le rejoindre. Il y a désormais à Alger un palais du gouverneur et une maitresse de maison pour accueillir et recevoir les hôtes de passage.

Abd-el-Kader, après la prise de la Smala avait essayé de continuer le combat contre les français, mais lâché par une partie de ses troupes, s’est vu contraint de se rendre. C’est ainsi que, trois mois après sa nomination en tant que gouverneur général de l’Algérie, Aumale aura le privilège de recevoir la soumission de celui qui, depuis plus de dix années, a conduit la résistance. Le 24 décembre 1847, il amène au duc d’Aumale sa dernière jument et part pour la France où il sera interné pendant quatre ans, en dépit des promesses de la France de l’envoyer en Orient dès sa reddition.

Mais de graves événements se préparent à Paris où la situation politique est explosive. Le 22 février 1848, les républicains organisent un défilé qui se transforme en soulèvement. La ville se cloisonne de barricades. La foule impose un gouvernement entièrement nouveau et proclame la république le 25 février. Le roi et la reine quittent Saint-Cloud pour l’Angleterre.

Le 28 février parvient à Alger la circulaire du général Souverbie, nouveau ministre de la Guerre, adressée à tous les chefs de corps : « la royauté a disparu devant la volonté du peuple. Tous les citoyens, tous les hommes de cœur doivent se réunir autour du nouveau Gouvernement provisoire de la République. » Le général Cavaignac est nommé gouverneur général de l’Algérie en remplacement d’Aumale, prié de quitter le territoire français.

Le général Cavaignac

Aumale s’exprime alors dans une proclamation destinée aux habitants de l’Algérie : Fidèle à mes devoirs de citoyen et de soldat, je suis resté à mon poste tant que je pensais ma présence utile au bien du pays ; Cette situation n’existe plus… Soumis à la volonté nationale, je m’éloigne, mais du fond de l’exil, tous mes vœux seront pour votre prospérité et pour la gloire de la France que j’aurais voulu pouvoir servir plus longtemps.

Le jour du départ, sous une pluie battante, les princes se rendent en cortège au port ; le duc d’Aumale en tête tenant le petit prince de Condé. La duchesse d’Aumale suit, donnant le bras au général Changarnier. La princesse de Joinville donne le sien à M. Vaisse. Le prince de Joinville ferme le cortège. Les arabes se jettent à leurs pieds à leur passage. Beaucoup de soldats et d’officiers pleurent. Les deux princesses sont en larmes. Tous montent à bord du Solon portant le pavillon du prince de Joinville, et partent vers l’Angleterre pour un exil qui durera vingt-deux années.

Tels furent les adieux d’Henri d’Orléans à un pays auquel il s’était passionnément attaché et qu’il avait servi avec un grand courage, au nom de la France.

D’après le livre de Raymond Cazelles, ancien conservateur des collections du musée de Chantilly. Ed.Tallandier 1984.

Odette Goinard
 

 

retour à la page des biographies