Jacques

Augarde

 

Agen 1908

Paris 2006

 

Jacques Augarde a été l'un des derniers aventuriers du siècle dernier, tour à tour guerrier, poète, écrivain, homme politique, passionné par la vie et par les hommes, animé d'un dévouement inaltérable envers ses contemporains.

Jacques Augarde est né à Agen le 13 avril 1908. Il était fils de Louis Augarde, médecin militaire, et de son épouse, née Marthe Rozès. Il conservera toute sa vie un profond attachement à sa ville natale et à sa région. Après ses études au collège Grand-Lebrun de Bordeaux, c'est vers une école de commerce qu'il s'oriente, puis vers l'Ecole Supérieure des hautes Etudes Sociales. Son service militaire achevé, il est employé dans les assurances, puis il se dirige très vite vers le journalisme, en devenant grand reporter à La Petite Gironde.

Il est mobilisé en 1939 au régiment de Tirailleurs Marocains à Meknès.

En 1942 et 1943, il organise une filière de passage clandestin pour l'Afrique du Nord par l'Espagne. Il emprunte lui-même cette voie en mai 1943. Fait prisonnier, il est interné au vieux séminaire de Lerida dans des conditions difficiles, puis est placé en résidence surveillée.

Débarqué à Casablanca après plusieurs mois de captivité, Jacques Augarde est affecté en 1943 au XXIlème Tabor à N'kheila. Il participe avec les goumiers à la campagne d'Italie. Ceux-ci se distinguent par un remarquable fait d'armes à l'occasion de la prise de Monte Cassino, sous la direction du général Juin qui les envoie gravir la montagne avec leurs ânes afin de prendre l'ennemi à revers. Après la longue et difficile remontée vers Rome, suit l'embarquement à Civita Vecchia pour la Corse où les combats font rage, puis le débarquement à Saint Maximin. Devenu officier de liaison , n'hésitant pas à prendre des risques personnels, Jacques Augarde participe à la libération du territoire en direction de l'Allemagne en passant par les Vosges et l'Alsace où les goumiers pourtant peu habitués aux rigueurs du climat, se sont comportés pendant l'hiver 44-45 avec un héroïsme qui a forcé l'admiration des Allemands eux-mêmes.

Perçant la ligne Siegfried, les Tabors sont arrivés à Stuttgart en avril 1945. Lors d'une prise d'armes quelques semaines plus tard, Jacques Augarde se voit confier le commandement de la section de garde de Sa Majesté le Sultan du Maroc, le futur Mohammed V.

Jacques Augarde a eu un comportement héroïque pendant cette guerre. Il en a livré un récit modeste, comme s'il était correspondant de guerre, presque en observateur. En fait, il a accompli de nombreux exploits, mettant en péril sa propre vie, en partageant la dure vie de ses goumiers dont il n'a cessé de proclamer la bravoure, le désintéressement et l'abnégation dans la souffrance et trop souvent la mort.

Après la guerre, Jacques Augarde a d'abord cherché à se mettre au service de ses contemporains. Aucune des fonctions de la vie politique ne lui a échappé : maire, conseiller général, député, sénateur, ministre.

Il fut maire de Bougie, aujourd'hui dénommée Bejaia, de 1947 à 1962. Il y accomplit une œuvre considérable. Bougie fut, grâce à lui, la ville la plus scolarisée d'Algérie, permettant ainsi au système éducatif local de compter plus de 9000 enfants. Il ne négligeait rien pour assurer le développement de sa ville et le bien être de ses concitoyens, dans les domaines médicaux et sociaux ainsi que dans ceux du logement ou des activités économiques.

Il a été aussi conseiller général d'Akbou de 1949 à 1960 et de Bougie Ouest de 1960 à 1962. Il a ainsi participé aux travaux des conseils généraux de Constantine puis de Sétif lors de la création des nouveaux départements.

C'est en novembre 1947, dans le gouvernement de Robert Schuman, dans un climat politique quasi insurrectionnel, que Jacques Augarde est nommé sous-secrétaire d'Etat à la Présidence du Conseil, chargé des Affaires musulmanes. Dans ses fonctions et dans l'année que durera son mandat ministériel, il fait de nombreuses propositions qui seront souvent retenues et qui témoignent de son ouverture d'esprit et de sa compréhension d'un monde en évolution

En 1951, quittant ses fonctions de député, il devient sénateur de Constantine jusqu'en 1959. Membre des commissions des affaires étrangères et de la défense nationale, comme il l'avait été à l'assemblée, il continue à s'intéresser aux problèmes des anciens combattants algériens et des travailleurs algériens en métropole. Il continuera de suivre de très près les questions relatives aux migrants et aux relations de la France avec les pays du Maghreb.

Devenu en 1964 membre de la section du développement économique et social des pays autres que la France et de la coopération technique au Conseil Economique et Social, il y présentera une étude relative à la coopération entre la France et le Maghreb dans les domaines de l'immigration et de la formation.

Jacques Augarde était aussi un écrivain. Il a vécu et il est mort la plume à la main. Il a écrit une dizaine d'ouvrages, la plupart publiés, d'autres dactylographiés ou inachevés. Il a été l'auteur de plusieurs préfaces et d'un nombre considérable d'articles. Il est intervenu dans d'innombrables conférences. Il s'est intéressé à une grande variété de sujets, spécifiquement aux événements relatifs à l'histoire du Maghreb. Sa curiosité l'a également poussé vers l'Europe centrale et l'est de la Chine, dont il a livré un récit de voyage.. Il a rédigé plusieurs discours et allocutions sur des personnages historiques, tels Lacépède, Louis Barthou, Jérôme Bonaparte, sans oublier plusieurs nécrologies de personnalités qu'il avait côtoyées durant sa vie. Il fut aussi poète à ses heures.

Son œuvre est à son image : vivante, humaine, simple et directe. Ses ouvrages historiques sont très documentés. Il a le style d'un journaliste. Il raconte une histoire en tenant ses lecteurs en haleine.

Ses proches nous ont livré quelques facettes de sa personnalité. Sobre, frugal, doté d'une excellente santé, jamais malade, il est mort presque centenaire, sans aucun signe annonciateur chez cet homme d'une vitalité permanente. Facétieux aussi lorsque, en famille, il organisait des tournois de football en confiant le rôle de gardien de but .. à sa propre épouse !

Il était toujours désireux de rendre service, mais avec discrétion, ne se mettant jamais en avant, mais fidèle et attentif à tous. Les rapatriés d'Algérie auront fait l'objet de toutes ses attentions. Devenu l'un d'eux à son retour forcé en France, il a cherché à améliorer la coordination des différents mouvements comme président du Comité de liaison des associations de rapatriés, tâche difficile qui nécessitait délicatesse et diplomatie. Il avait notamment accepté de présider notre association Mémoire d'Afrique du Nord dès sa fondation, et n'avait jamais cessé de soutenir notre action, contribuant ainsi à donner une valeur particulière au travail de mémoire que nous exprimons dans notre revue Mémoire plurielle et les biographies annexées.

 

Jacques Augarde a été toujours soutenu par son épouse, née Thérèse Mazet. Artiste peintre, conférencière aux Musées nationaux, ainsi que dans de nombreuses tournées à l'étranger, enseignante dans plusieurs académies et écoles, conservateur du musée de Bougie, Madame Augarde a exposé dans de nombreux salons et reçu plusieurs distinctions honorifiques.

O. Goinard

D'après le discours d'Hubert Loiseleur des Longchamps à l'Académie des Sciences d'Outre-mer (8 janvier 2010)

 

Parmi ses œuvres

  • Jasmin (étude 1932)

  • Yougoslavie (1933)

  • Alexandre 1er, le roi chevalier (1934)

  • Millières (1950)

  • Tabor (1951)

  • La longue route des tabors (1963)

  • La migration algérienne (1970)

 

Décorations

  • Commandeur de la Légion d'honneur et de l'ordre national du Mérite

  • Croix de guerre 39-45

  • Médaille des évadés

  • Grand Officier du Ouissam alaouite et du Nichan Iftikhar

  • Officier de l'ordre de la République Tunisienne et de la Couronne de Yougoslavie

  • Commandeur de l'ordre de Francesco de Miranda et de l'ordre du Trésor sacré (Japon).

 

Distinctions

  • Prix Paul Michel Perret (Académie des science morales et politiques) 1936

  • Prix de poésie (fonds particuliers de l'Académie française ) 1947

  • Prix Ponchard de l'Académie française 1952.

 

Fonctions

  • Membre de la deuxième Assemblée nationale constituante (1946)

  • Membre de l'Assemblée Nationale (1946-51)

  • Sous-secrétaire d' Etat à la présidence du Conseil chargé des affaires musulmanes (1947-48)

  • Sénateur de Constantine (1951-59)

  • Maire de Bougie (1947-1962)

  • Conseiller général d'Akbou (1949-60)

  • Conseiller général de la circonscription Bougie-Ouest (1960-62) - Administrateur de Sociétés

  • Membre de la section du développement économique et social des pays autres que la France et de la Coopération technique au Conseil Economique et Social (1965-67)

  • Président de l'Association de Coopération et de liaison France-Afrique (1962)

  • Président du Comité de liaison des associations de rapatriés

  • Vice-président du groupe des anciens députés (1980)

  • Président depuis 1995 de l'Association européenne des anciens parlementaires des pays membres du Conseil de l'Europe

  • Président depuis 1990 de l'Amicale du Sénat

  • Président de la société des amis de l'Académie des sciences d'outre-mer (1990)

  • Président de la Société de Géographie humaine de Paris (1988)

  • Membre de l'Académie du Languedoc (1985).

  • Président de l'association Mémoire d'Afrique du N ord

 

 

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