Albert

Marquet

 
 

Bordeaux 1875

Paris 1947

 

Surtout célèbre comme paysagiste. Marquet fut attiré par la lumière méditerranéenne.

L'Afrique du Nord eut un grand impact sur son œuvre. L'Algérie fut notamment pour lui un lieu de prédilection où il puisa en grande partie les sources de son inspiration.

Né à Bordeaux le 26 mars 1875, Albert Marquet était dans son enfance peu enclin à l'étude. Timide et complexé - il avait un pied­bot - il se réfugie dans le dessin. Dès son plus jeune âge, alors qu'il ne savait pas encore marcher, il se traînait à quatre pattes et dessinait sur le sol avec un morceau de charbon. Écolier, il était plus doué pour crayonner rapidement ce qu'il voyait dans le port de Bordeaux que pour se concentrer sur une leçon ou faire des pages d'écriture.

Très tôt, il est attiré par tout ce qui bouge, il va là où la vie est mouvement. Son regard aigu observe l'animation du port de Bordeaux, les jeux lumineux du ciel et de l'eau au bord de la Gironde et du bassin d'Arcachon.

 Sa mère le soutient dans cette orientation artistique. Elle l'accompagne à Paris en 1890. Il entre à l'École nationale des arts décoratifs en 1892, où il fait la connaissance de Matisse. Entre 1895 et 1899, il rejoint Matisse à l'école des Beaux-arts et fréquente l'atelier de Gustave Moreau. En 1901, il participe au Salon des Indépendants où il présente dix tableaux. En 1905, il participe à l'exposition des Fauves au Salon d'automne, aux côtés de Matisse, Vlaminck, Derain, Mauguin et Camoin. Celle-ci fit scandale en raison de la violence des formes et des couleurs. Il abandonne assez vite cette manière de peindre pour la recherche d'une harmonie plus nuancée. En 1907, il fait sa première exposition personnelle à la galerie Druet, et quelques années après une série de nus en atelier.

Marquet fut un grand voyageur. Dès que ses moyens le lui permettent, il s'évade vers les rivages marins, d'abord ceux de la Normandie, puis, au fur et à mesure du succès grandissant de ses œuvres, il s'éloigne vers d'autres côtes françaises et étrangères, de la Norvège au .Maghreb, où il cherche l'inspiration.

C'est à Tanger, la plus européenne des villes du Maroc, que Marquet aborde en 1908, pour la première fois, les côtes africaines. Il est en route pour Dakar en compagnie de Matisse. De retour à Tanger en août 1911, en compagnie d'Eugène Montfort cette fois, il parcourt à cheval la côte jusqu'à Casablanca. « J'ai les fesses en marmelade, mais je deviens un cavalier épatant », écrit-il à Matisse depuis Tétouan. En 1913, ils explorent tous deux le sud du Maroc. Peu d'œuvres naissent de ces séjours marocains: des croquis de rues, des dessins à l'encre, des gouaches, et quelques tableaux peints depuis sa chambre d'hôtel « Villa de France » où l'avaient précédé Henri Matisse et Charles Camoin.

Comme Matisse, Marquet est réformé en 1914. « Continuez à peindre », lui conseille le député et collectionneur Marcel Sembat. L'artiste ne se fait pas prier. Il ne visitera à nouveau l'Afrique du Nord qu'en 1920. Le grand historien Élie Faure, qui est aussi médecin, lui a prescrit un séjour au soleil pour soigner les séquelles de la grippe. Direction Alger où il est accueilli par le collectionneur Louis Meley. Ce voyage sera aussi décisif pour l'artiste que pour l'homme. Il rencontre en effet Marcelle Martinet, jeune écrivain née à Alger, de parents français, qui deviendra sa femme trois ans plus tard.

Saisi par la lumière et les paysages qui ne cesseront plus de le fasciner, Marquet passera désormais pendant vingt-six ans les mois d'hiver à Alger ou dans les environs, à l'exception des années 1931 et 1938. « Tous les hivers, écrit Marcelle, nous retournions à Alger, changeant d'hôtel ou de maison. Marquet savait que j'étais attachée à mon pays et que les motifs à peindre ne lui manqueraient pas. » Où qu'il séjourne, appartement meublé ou hôtel, le peintre dispose d'une vue plongeante sur le port d'Alger, qu'il peint sans relâche. Les toits rouges des entrepôts, le ballet inlassable des grues et des remorqueurs, la gare maritime, la silhouette des paquebots de la Compagnie générale transatlantique, la poésie des docks les ciels grisâtres chargés d'épaisses fumées de charbon, les voiliers du port de plaisance, la ville blanche en gradins dégringolant vers la mer: la matière semble inépuisable. Toutefois, s'il peint la ville moderne, les arcades de l'amirauté, la gare maritime la place du Gouvernement où caracole la statue en bronze du duc d'Orléans, c'est moins par souci de couleur locale que pour témoigner de la beauté d'un grand port industriel. Marquet est resté indifférent au pittoresque en général. Ainsi lors de son escapade tangéroise en 1911, il avait écrit à Matisse de façon prémonitoire « je ne serai jamais orientaliste ». Il tiendra parole. Ses brumes montant du port d'Alger sont cousines des brouillards de la Seine; les monts bleutés surplombant La Goulette se parent d'étranges reflets scandinaves. Où qu'il fut, au cœur de l'été comme au creux de l'hiver, Marquet guettait la montée de ces gris enchantés dont il fur le poète absolu. Il les retrouva en Afrique du Nord, là où tant d'autres n'avaient vu que ciels de lapis-lazuli, bariolages de costumes et de fleurs, architectures mauresques.

Avec Marcelle, qui connaît tous les chemins qui, à travers ravins et vergers contournent Alger, il explore les environs. Sur les coteaux fleuris, dans les jardins luxuriants des villas du quartier de Mustapha Supérieur, parmi les palmiers, les roses, les jasmins, il guette la moindre percée vers la mer. Des escapades dans le Sud algérien, jusqu'au désert, lui font découvrir une variété extraordinaire de paysages où défilent plaines et hauts plateaux séparés par d'abruptes chaînes de montagne, gorges spectaculaires, oasis.

Cette fidélité à l'Algérie n'exclut pas les visites en Tunisie, ou à nouveau, au Maroc. En 1923, c'est dans le village enchanté de Sidi-Bou-Saïd, au cap Carthage que les Marquet passent leur lune de miel.

En 1925, accompagné d'un groupe de pensionnaires de la villa Abd el Tif la « villa Médicis » algéroise Marquet séjourne à Bougie. Comme à Alger, il est séduit par la beauté de ce grand port moderne et en compose des peintures.

En 1926, il loue une villa à La Goulette, à l'entrée du port de Tunis. Face à la mer, l'artiste peint des paysages japonisants.

À trois reprises, en 1930, 1934 et 1935, Marquet renoue avec le Maroc. Son dernier séjour à Rabat est particulièrement fructueux. Il dispose de deux ateliers, l'un dominant le port, l'autre l'oued Bou-Regreg et les remparts de Salé, sur la rive opposée.

En 1939, à la déclaration de guerre, Marquet retourne à Paris pour mettre ses œuvres à l'abri, mais il ne tarde pas à rentrer à Alger. En 1941, il fait une grande exposition de ses œuvres à la galerie du Minaret, ce qui lui permet d'acheter une propriété, Djenan-Sidi-Saïd, « e jardin du seigneur heureux », drôle de nom pour l'époque note Marcelle, mais ce jardin enchanté, à la végétation luxuriante, fournit au peintre d'innombrables motifs. Situé au-dessus du quartier populaire de Bab-el-Oued, il ménage de belles vues vers la mer. Jusqu'en mai 1945, Marquet travaille et réside à Alger. Un dernier séjour à Alger en 1946 est couronné par le succès de son exposition à la galerie Colin où tous ses tableaux sont vendus.

En 1947, Marquet est trop fatigué pour voyager. Retiré à La Frette-sur-Seine, il peindra ses dernières toiles. Il décède à Paris le 14 juin et est inhumé au cimetière de La Frette, au sommet d'un coteau dominant la Seine.

Marquet fut essentiellement un peintre de l'eau. Contempler l'eau fut pour lui un besoin vital. Libre et tranquille avec ses pinceaux, ses crayons, ses toiles, il était seul avec l'objet de sa contemplation. Par ses visions de l'eau, on a pu rapprocher ses peintures de celles du grand peintre japonais Hokusai. Sans doute a-t-il subi son empreinte, notamment dans l'atelier de Gustave Moreau, à une époque où l'on cultivait l'art des estampes japonaises.

 

Odette Goinard

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Biographie de Marquet par Michèle Paret in Marquet, catalogue de l'exposition au musée de Lodève, juin-novembre 1998. Éditions Electa 1998.

Alger et ses peintres par Marion Vidal Bué.

Éd. Paris Méditerranée, août 2000.

Marquet et l'Afrique du Nord, Jean-Claude Martinet, Guy Wildenstein, catalogue Milan, Skira/Paris. Seuil 2001.

Albert Marquet et ses amis en Algérie, par Élisabeth Cazenave. Biblio Monde, 2003

Albert Marquet Itinéraires Maritimes, catalogue de l'exposition au Musée national de la marine, Paris 15/10/08 au 2/02/09, Thalia Éditions.

 

 

PARMI SES ŒUVRES

 

Il nous est évidemment impossible de les énumérer tant elles sont nombreuses.

Des œuvres d'Algérie sont exposées en France: musées de Bordeaux, Lodève, Sète, Toulouse (fondation Bemberg) et à l'étranger, notamment aux États-Unis, Russie (musée de l'Ermitage). Le musée d'Alger conserve certains tableaux : le port de Bougie, la baie d'Alger, la place du Gouvernement à Alger, le port d'Alger.

 

 

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