Francisco Salvador Daniel |
|
1831 - 1871 |
Frontispice d'une des éditions de Francisco Salvador Daniel.
|
Très longtemps méconnu, Francisco Salvador Daniel a été un excellent musicien qui, passionné par l'Orient, a su faire vivre et évoluer la musique arabe à travers des œuvres originales, à nouveau découvertes. |
Né en 1831, Francisco Salvador Daniel était le fils de Don Salvador Daniel, un noble espagnol, qui, après avoir soutenu la rébellion carliste, s'enfuit avec Don Carlos vers la frontière de la France. On lui confisqua ses terres et propriétés, après quoi il s'installa à Bourges, comme professeur de langues et de musique. Le jeune homme apprend la musique sous la direction de son père. Bon pianiste et violoniste, il est aussi compositeur. Ayant quitté Bourges pour Paris, il est employé comme copiste chez un éditeur de musique légère, pour survivre. Plus tard, refusé au Théâtre français de Jacques Offenbach, il intègre l'orchestre du théâtre lyrique où Léo Delibes est accompagnateur. Dans le même temps, Salvador Daniel découvre la musique de Félicien David, dont l'ode symphonique Le Désert (1854) est un véritable festival musical orientaliste. Salvador Daniel rencontre le musicien qu'il admire, se lie d'amitié avec lui et partage son idéal politique saint-simonien d'une révolution sociale. David lui communique aussi sa passion pour l'Orient. Ainsi que l'a écrit Henry-George Farmer : l'Orient semblait l'appeler. Son étrange musique primitive préservée du souffle corrupteur de la civilisation occidentale, l'enchantait. Une terre nouvelle, lm peuple nouveau, un art nouveau ... En 1853, Francisco prend le départ pour des pays d'Afrique du Nord dont les musiques sont encore inconnues: l'Algérie (la Kabylie), la Tunisie, le Maroc. Installé à Alger, rue Rovigo, il enseigne le violon. Polyglotte, il se met à l'arabe qu'il pratiquera avec suffisamment d'aisance pour faire la traduction en français d'anciens traités de musiques arabes. Il note les musiques de la région, joue avec les musiciens locaux et rédige plusieurs traités et études dont un Essai sur l'origine et la transformation de quelques instruments (1855), puis La musique arabe, ses rapports avec la musique grecque et le chant grégorien (1863) qui, très vite, s'imposent comme des références. Ethno-sociologue avant la lettre, aussi sourcilleux que possible, Francisco adapte pourtant au goût occidental et parisien des chants arabes. Il publie en recueil chez l'éditeur Richault, des chansons algériennes, tunisiennes et kabyles pour voix et piano, auxquelles il adapte des paroles en français, pour la plupart de sa plume. Suivront des pièces pour piano, des œuvres d'orchestre et même le projet d'un Opéra d'Arabie, sur un livret narrant un épisode de l'histoire algérienne d'avant la conquête française. Berlioz tentera de soutenir ce projet, mais mourra avant d'y être parvenu. Salvador Daniel tombe amoureux de la fille d'un commerçant d'Alger, mais la veille de leur mariage, la fiancée tombe malade et meurt bientôt. Francisco est inconsolable et décide de quitter Alger. Rentré à Paris, il dirige sa musique en public lors de concerts antiques et orientaux Il se fait connaître aussi comme critique musical, mais ses opinions socialistes, ses théories sur une musique sociale et démocratique l'éloignent des sphères du pouvoir. L’argent manque. En 1870, au début de la guerre avec l'Allemagne, il se déclare dans des articles engagés et participe aux insurrections de la fin de l'année. Lorsque, en mars 1871, la Commune de Paris est proclamée, Francisco Salvador Daniel prend la succession d'Auber à la tête du Conservatoire de Paris. Il croit fermement à la multiplicité des enseignements, prône l'interdisciplinarité, afin d'ouvrir les horizons des élèves. L’administration le trompe sur les moyens réels de l'établissement, les professeurs marquent, de leur absentéisme, les réunions qu'il convoque. Mais ce sont surtout les événements politiques qui privent ces résolutions d'avenir: Salvador Daniel prend les armes lorsque l'armée régulière entre dans Paris et attaque les forces communardes, le 21 mai. Après s'être battu dans les rues de Paris, il est arrêté le 24 mai et fusillé sur les barricades. Ainsi que l'a écrit Henry-George Farmer dans sa notice biographique de 1914 «ayant ajusté sa cravate de soie qui s'était trouvée dérangée, il se retourna et fit face courageusement au peloton, et désignant son cou, demanda qu'on visât à cet endroit. Deux soldats levèrent leurs fusils et la salve résonna: Francisco Salvador Daniel était mort ». À Alger, un concert diffusé en 2001 par la radio algérienne, avec la collaboration de France-Culture, a rendu hommage à cette figure oubliée de l'histoire de la musique. Grâce au soutien dynamique de Zehira Yahi, chargée des relations extérieures de la radio algérienne, les mélodies de salon de Francisco Salvador Daniel, inspirées par les chants arabes qu'il entendit lors de son long séjour en Afrique du Nord, ont été chantées à Alger par la jeune soprano algéroise Amel Brahim Djelloul.
O.G.
|