Francis

Harburger

 
 

Oran. 1905

Paris. 1998

 

Par son talent. son esprit de recherche sans cesse en éveil. sa rigueur dans l'accomplissement de son œuvre. son intérêt pour la transmission de son art. ce grand artiste. dont les sources ont été puisées en Algérie. ne peut qu'honorer son pays natal.

C'est à la lumière de l'Algérie -il est né à Oran le 17 février 1905- que Francis Harburger a trouvé ses sources. De son père avocat, originaire d'une famille juive d'Alsace émigrée en 1870, il hérite le sens de la justice dont témoigneront ses peintures dites civiques. Et de sa mère, née Célestine Aboulker, il reçoit d'évidentes dispositions pour le dessin. Il entre en 1919 à l'école des Beaux-arts d'Oran que dirige Augustin Ferrando. Il s'enthousiasme pour l'oeuvre de Paul Cézanne.

En 1921, venu rejoindre à Paris son frère qui poursuit ses études de médecine, il entre à l'école des arts décoratifs. Les vacances sont pour lui l'occasion de retrouver son Algérie natale et la petite communauté des peintres d'Oran que fréquente sa mère ainsi qu'André Suréda. En 1923, il est reçu à l'école des Beaux-arts de Paris et s'inscrit dans l'atelier de Lucien Simon. Il s'informe. alors des idées d'avant-garde, diffusées par la revue l'Esprit nouveau. En 1925, il s'installe dans un petit atelier à Boulogne- Billancourt.

L'année 1926 voit sa première participation au Salon des Indépendants, puis son départ pour le service militaire qu'il accomplit à Alger. Le jeune appelé occupe son temps libre à peindre de lumineux paysages. Il fréquente des artistes locaux parmi lesquels Jean Launois, Louis Fernez, Emile Oaro, Armand Assus. En 1928, il est pensionnaire à la Casa Velasquez et est ébloui par les peintres du musée du Prado.

De retour à Paris, il trouve un atelier au cœur du quartier Montparnasse. Il sympathise avec de nombreux peintres et le sculpteur Paul Belmondo, né comme lui en Algérie. Il fréquente les galeries de peintures et fait sa première exposition personnelle, rue de la Boétie sous le titre "Espagne" en 1930. Il reçoit là la visite de Picasso qui lui assure qu'il voit en lui un peintre plein d'avenir. C'est aussi l'année où il commence à exposer au Salon des Surindépendants, dissident des Indépendants, que dirige René Mendès-France. S'y côtoient peinture figurative et art abstrait. Il deviendra secrétaire général du Salon en 1933 et y exposera annuellement.

En 1933, Harburger épouse Jeanine Halff et le couple s'installe dans un atelier dans le XVIIIe arrondissement. Il enseigne l'histoire de l'art et le dessin à l'école normale israélite orientale et participe à plusieurs décorations murales. Il réalise entre autres un panneau décoratif pour le Salon de l'Hygiène et de la Beauté, dans le cadre de l'Exposition Internationale des Arts & Techniques, ainsi qu'une toile, intitulée Le Bain Maure. Parallèlement, il poursuit ses recherches techniques à travers des tableaux de nus, des natures mortes et aussi des vues de Montmartre, des paysages d'Etretat et de Villiers-sur-Morin où il passe l'été avec sa femme et ses deux enfants Michel et Marianne.

Puis vient la guerre. Mobilisé, Francis Harburger passe onze mois en division d'infanterie sur la ligne Maginot et est cité à l'ordre du régiment. Rendu à la vie civile, mais menacé par les lois antisémites, qui le privent notamment de son poste de professeur, il quitte la France avec sa famille pour Alger. Il s'installe sur les hauteurs d'EI­Biar. " J'avais une vue panoramique magnifique qui variait sans cesse avec les éclairages. J'ai mis à profit ce privilège pour faire de nombreux paysages ". Autant de vues peintes qui ne tardent pas à trouver amateurs lorsque la galerie Salmson d'Alger en organise une présentation en 1941. A côté de ses paysages figurent des portraits et des natures mortes. On le voit face à la lumière de l'Algérie, à la nature qui, chaque matin l'émeut davantage, face encore à l'incroyable floraison qui au mois d'avril " exige exclusivement de se consacrer aux fleurs ". Harburger ne cesse de produire avec la probité qui lui est sienne, travaillant des blancs d'une manière très veloutée, transparente, irisée, d'une pâte onctueuse, qui révèlent un peintre sûr de ses effets. La guerre se poursuit avec sa cohorte de sombres événements. En 1942, les Harburger apprennent qu'ils sont spoliés de leurs biens restés en France. La même année survient la mort de leur jeune fils. Il reste à l'artiste à " converser avec la nature, approcher sa vérité tous les jours, enregistrer les murmures qu'elle vous consent, être son complice ". De 1942 à 1945, les œuvres s'enchaînent : paysages d'El-Biar, d'Alger, de Tênès, d'Oran, natures mortes, portraits ...

La fin de la guerre marque pour le peintre et sa famille le retour en France. Spolié, sans ressources, il faut trouver de quoi vivre. Il continue à travailler. Fort de ces quatre années algéroises passées à peindre, il a trouvé une assurance nouvelle qui va prendre toute sa réalité dans une longue série de natures mortes. Il milite pour le langage naturaliste qu'il met au service de l'homme. Défendre l'homme par la peinture, telle va être la motivation de la série de compositions civiques dans laquelle Harburger s'engage alors. En 1950, il expose au Salon des Surindépendants un grand triptyque intitulé Faites l'Europe. Deux ans plus tard, il présente Toutes les larmes sont salées, œuvre qui, par son caractère antiraciste, soulève de vives protestations. Il poursuit néanmoins dans cette voie. Les peintures civiques, qu'elles invitent les hommes à plus de fraternité, qu'elles dénoncent le mercantilisme de l'art ou incitent à la préservation des sites, vont ainsi ponctuer régulièrement l'œuvre du peintre.

Au début des années 50, il ressent le besoin de faire du modèle vivant. Ayant toujours aimé enseigner, il ouvre un cours de peinture à Enghien-les-Bains accueillant aussi bien des étudiants que des professionnels. Le 11 janvier 1953, est ainsi inaugurée l'Académie de peinture de la ville. En même temps qu'il renoue avec la décoration murale, il se lance aussi dans des recherches néo-cubistes. S'ensuit une importante série d'œuvres auxquelles le philosophe Etienne Souriau, professeur à la Sorbonne, donnera le nom de " hiéroglyphes ". Faisant sienne cette appellation, Harburger en donnera une définition: " l'hiéroglyphe est un langage pictural qui procède comme le langage naturaliste traditionnel par objectivité, choix et imitation, il en est la version plane ; il exclut les ombres, les lumières, la perspective et les reliefs. Le langage naturaliste traditionnel donne l'apparence de l'objet, l'hiéroglyphe en donne l'essence ". L'année 1956 va marquer un tournant dans la vie de Francis Harburger. Il regagne la capitale avec sa famille (une seconde fille, Sylvie est née en 1946) et ouvre un atelier, rue de la Tombe-Issoire dans le XIVe arrondissement. " Ce fut un cadre propice à notre vie familiale et à mon activité artistique " dira-t-il plus tard de ce lieu qu'il n'allait plus quitter. Il y passera le plus clair de son temps, de l'aube au soir, devant son chevalet. Deux ans plus tard, la galerie Pro Arte, rue de Miromesnil, lui propose une présentation de ses natures mortes de la réalité, exposition qui s'avère un succès tant du point de vue des ventes que de la critique. Les hiéroglyphes seront plus tard exposées à Strasbourg et de nouveau à Paris.

Aimant trop enseigner pour y renoncer, Harburger crée en 1960 un cours de peinture traditionnelle dans son propre atelier : " si je travaille, disait-il, c'est dans le seul but de faire aimer les choses que j'aime ", mais il aimait aussi ses élèves dont certains ont témoigné qu'ils le considéraient comme leur père spirituel dans le domaine de la peinture. Amoureux de Paris, il commencera en 1963 une importante série de vues de la capitale qui comptera au fil des années plus d'une centaine de toiles. Présentés pour la première fois à la galerie d'art de l'aérogare d'Orly, au nombre de quarante-quatre, sous le titre " Visages de Paris " , ces paysages rencontrent d'emblée l'adhésion. Pleinement acquis au langage des hiéroglyphes qu'il expérimente depuis de nombreuses années, Harburger mène la vie qu'il aime, tout entière dédiée à son art. Survient un événement tragique, la disparition brutale de sa fille Marianne. Face à cette nouvelle épreuve, il continue à peindre passionnément. Désormais il ne se passera pas une année sans que des galeries de Paris et de province ne présentent le travail du peintre. Les hiéroglyphes dans lesquels Harburger introduit des éléments non plus peints, mais directement collés sur la toile, vont être le point de départ d'une nouvelle formulation de son naturalisme. L'artiste regroupera les œuvres réalisées entre 1977 et 1997 sous l'appellation Abstractions concrètes : " Mon langage abstrait, écrira-t-il, celui de mon âme, celui de Dieu, celui émouvant du cœur ... "

Cette évolution vers l'abstraction n'était pas une rupture avec le réalisme. Elle s'y rattachait directement car c'était toujours dans la réalité la plus banale qu'il puisait ses éléments. Il peindra jusqu'à la fin de sa vie.

 

 

O.G.
d'après le livre de Caroline Larroche

 

 

Bibliographie:

 

* Francis Harburger "Manifeste Réaliste­Humaniste" Revue Esprit, Paris mai 1950.

* Chronique des Arts, 1974.

* Harburger  - Artistes d'aujourd'hui par Caroline Larroche. Ed. Altamira Paris, août 2002.

 

 

Parmi ses œuvres :

 

Œuvre picturale:

 

Au cours de sa longue carrière d'artiste, Harburger a réalisé dix-sept expositions particulières en Algérie entre 1936 et 1954. Il y a peint cent cinquante paysages, une centaine de portraits et environ cent trente natures mortes. Ne pouvant énumérer toutes ses œuvres, nous citerons seulement :

* Embarquement pour Cythère, L 'apprenti sorcier, La sieste: (salon des Surindépendants).

* Portrait d'aveugle, La Bouzaréah, Pointe-Pescade, Le port d'Alger (Algérie).

* La lampe à pétrole; Le hareng; Bougeoir et Livre (natures mortes).

* Exhortation à l'Union; L'art et l'argent; Défense et écologie (compositions civiques).

* Le Grand pichet gris, Le tamis. Pain et fromage (hiéroglyphes) - Planchette; Trompette de Rafa, Six taches blanches chinées (collages).

 

Œuvre littéraire :

 

* Langage de la peinture 1963. Réédité en 1973 augmenté d'une présentation des hiéroglyphes.

 

 

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