Emilie de

Vialar

 
 

Gaillac. 1797

Marseille. 1856

 

Femme au cœur de feu. Emilie de Vialar a travaillé sans relâche toute sa vie au service des pauvres. en particulier sur la terre d'Afrique

Parmi les grandes figures qui ont honoré l'Algérie et la Tunisie, il convient de ne pas oublier Emilie de Vialar dont la haute destinée mérite d'être évoquée.

Elle naquit le 12 septembre 1797 à Gaillac, dans le Tarn, au sein d'une famille d'aristocratie provinciale. Elle eut pour frère Augustin de Vialar qui devint l'un des premiers colons de l'Algérie nouvellement conquise. Emilie fut envoyée faire ses études à Paris, au pensionnat de l'Abbaye-aux-Bois dirigé par les religieuses de la congrégation de Notre- Dame. Après le décès de sa mère, survenu en 1810, elle revient à Gaillac. Frappée, comme elle le dira elle-même, par un " coup de grâce " à l'âge de dix-huit ans, elle prend conscience de sa vocation religieuse. Elle rencontre cependant bien des difficultés au sein de sa famille pour faire admettre son orientation. Très tôt Emilie est attirée par les missions étrangères. Elle écrit elle-même à l'âge de dix-neuf ans : " sans que je m'en rendisse compte, j'éprouvais un sentiment très vif qui transportait mon cœur dans les régions infidèles ". Cela, c'est l'avenir qu'elle entrevoit déjà. Mais il faut partir d'un tremplin qui permettra l'envol.

C'est à Gaillac que commence son apostolat charitable, entraînant ses amies dans ses visites aux pauvres. En 1832, bravant toutes les critiques, elle recrute plusieurs jeunes filles de valeur et fonde une congrégation qu'elle place sous le vocable de Saint Joseph de l'Apparition.(l) Emilie veut que cette institution soit prête à assumer toutes les œuvres de charité que l'on trouve dans les divers ordres existants: instruire les enfants, soigner les malades à domicile, dans les hôpitaux, les prisons et partout où ces services sont nécessaires. La moisson ne tarde pas à se multiplier,

Cependant, appelée en Algérie pour prêter main forte à son frère Augustin, Emilie ne balance pas un instant. Le 10 août 1835, elle débarque à Alger avec trois religieuses. Or, une terrible épidémie de choléra sévit en cette ville. Les sœurs se prodiguent jour et nuit à l'hôpital où défilent patients européens, israélites et musulmans. Les moyens du bord étant insuffisants pour faire face à tous les frais nécessaires en raison de la surabondance des malades, Emilie finance elle- même l'œuvre entreprise. Les malades, quelle que soit leur race, sont conquis par la charité rayonnante des sœurs. A la fin de 1835, elle se rend à Paris où elle est reçue par la reine Marie-Amélie qui lui promet sa protection pour son œuvre.

De retour à Alger, elle ouvre un dispensaire et une école que fréquentent de nombreuses élèves chrétiennes ou juives. En 1836, une vingtaine de sœurs sont à pied d'œuvre. La maison devient le refuge des mendiants et des déshérités.

Après Alger, Bône l'appelle. Un missionnaire de cette ville désire quelques sœurs pour l'instruction des enfants. Quatre religieuses sont mises à la disposition de l'école, deux -autres, peu de temps après arrivent en renfort. Elles prennent en charge l'hospice civil. Pendant ce temps, le Gouverneur général insiste auprès d'Emilie de Vialar pour qu'elle prenne la direction d'un asile à Alger. Elle accepte, et bientôt, c'est en 1838, que quatre religieuses endossent la responsabilité de veiller à l'instruction et à l'éducation de cent cinquante enfants. Emilie a le vent en poupe. La même année, elle fonde, à Alger, un ouvroir destiné à perfectionner les jeunes filles dans les travaux de l'aiguille. Puis, sur invitation et avec l'aide de l'évêque, elle ouvre un orphelinat. Avec ardeur, elle termine les constitutions de l'Institut qu'elle fait approuver par l'archevêque d'Albi, son supérieur immédiat.

A la demande de l'abbé Suchet, curé de Constantine, elle crée en cette ville une nouvelle fondation. Les sœurs prennent immédiatement leur service à l'hôpital, et comme à Alger, elles font la conquête de toutes les populations.

Cependant, au moment où Mère de Vialar s'apprête à établir une maison à Oran, elle se heurte vivement à l'opposition de Mgr Dupuch, évêque d'Alger, qui, s'estimant le supérieur général, pense avoir tous les droits sur cette congrégation et éventuellement le pouvoir de la dissoudre. C'est un véritable conflit de juridictions qui s'avère irréductible. Mère de Vialar ira jusqu'à Rome où elle soutiendra sa position. Mais le gouvernement ayant pris ombrage du recours direct d'Emilie au Saint-Siège ordonne l'expulsion des sœurs de Saint Joseph de l'Apparition. Mère de Vialar doit s'incliner, mais elle n'oubliera pas de dresser un rapport où elle rappellera que les maisons de Bône, Constantine et Alger, sont propriété absolue de la congrégation de Saint-Joseph et que cette expulsion devra s'accompagner d'indemnités. Peu avant sa mort, Mgr Dupuch écrira une lettre à Emilie pour lui demander pardon du mal qu'il lui a fait.

Ce que l'Algérie perd, la Tunisie le gagne. En effet, Mère de Vialar, avec l'autorisation du préfet apostolique et de son supérieur général, établit une fondation à Tunis où ses sœurs sont les premières à faire le travail de défrichement. Le but poursuivi par les Constitutions de Mère de Vialar se réalise écoles, hôpitaux, dispensaires, visites à domicile. Mais la fondatrice estimant que l'impulsion donnée sera sans lendemain si elle n'est pas soutenue par un directeur capable, fait appel à l'abbé Bourgade qui s'avère l'animateur désiré. Une grande réalisation : le Collège Saint-Louis.

Après Tunis, Sousse est doté d'une fondation stable. Pendant cinquante­quatre ans, un sujet d'élite, sœur Joséphine Daffis dirigera l'œuvre ; vie héroïque, car depuis la fin de l'aventure de l'Algérie, les sœurs de Saint-Joseph de l'Apparition travailleront sous le signe de la pauvreté, faisant tous les métiers pour soulager la misère.

Infatigable, Mère de Vialar mène de front plusieurs œuvres. A travers de nombreux écueils, elle ira droit sa route, sans jamais douter, et finira par surmonter tous les obstacles, brutaux et parfois sournois, qui se dresseront devant elle. Conflits, voyages, retours parfois indispensables à Gaillac, visite à Rome, naufrage à Malte où elle créera une maison, rien ne la rebutera. Par sa seule présence féconde, des maisons surgiront: à Tunis, en Grèce, en Palestine, en Turquie, à Jaffa, plus tard en Australie et même en Birmanie La terre est trop petite pour Mère Emilie. Sa fortune personnelle y passera.

Quand, repliée sur Toulouse, l'épreuve deviendra plus dure, quand elle et ses filles vivront dans la misère, quand Mère de Vialar atteindra le dénuement le plus total, elle le fera non en vaincue, mais triomphante, ayant dominé l'adversité par sa foi.

C'est à Marseille où se trouve la Maison mère de son ordre, que Mère Emilie de Vialar s'éteint le 24 août 1856 des suites d'une hernie qui l'avait fait souffrir toute sa Vie.

Emilie de Vialar, béatifiée le 18 juin 1939, a été canonisée le 24 juin 1951. Ainsi, en l'élevant à la gloire des autels, l'Eglise a reconnu et récompensé ses éminents mérites.

Odette Goinard
sur documentation.

 

1 Elle choisit ce nom par référence au message de l'ange annonçant en songe à Joseph le mystère de l'Annonciation.

 

 

Bibliographie:

 

* Emilie de Vialar par l'abbé Louis Picard. Imprimerie Paul Féron. Vran, 1924.

* Emilie de Vialar par Gaston Bernoville. Librairie Arthème Fayard, 1953.

* La vie militante de la Bienheureuse Mère Emilie de Vialar par le Chanoine Testas. Editions Publiroc, Marseille 1939.

* Emilie de Vialar fondatrice par Sœur Eugène Agnès Cavasino. 1987. Imprimerie de l'abbaye Sainte Scholastique, 81110 Dourgne

* Emilie de Vialar par Alfred Boissenot. Article paru dans l'Etude des Français rapatriés d'outre-mer, N° 66, octobre 1993.

* De plus, Emilie de Vialar a laissé une correspondance que possèdent les sœurs de Saint Joseph de l'Apparition, mais qui n'a pas été publiée.

 

 

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