Jean Lamy |
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Saint-Maur des fossés. 1898 Saint-Maur des fossés. 1993 |
Homme d'une honnêteté et d'un désintéressement absolu, d'une discipline de vie et d'un engagement spirituel, Jean Lamy reste une figure symbolique de l'agriculture algérienne Son autorité morale était incontestée dans les milieux algériens de tous bords. |
Né en 1898 à Saint-Maur des Fossés (Val de Marne), berceau familial où il aimait se reposer, Jean Lamy était issu d'un milieu bourgeois, très catholique. Il passa son enfance entouré de ses frères et sœurs, dont l'aîné fut tué en combat aérien en 1916. Devançant l'appel, Jean Lamy s'engage dans l'Armée française en 1917. Sa conduite au feu lui valut quatre citations et la médaille militaire, mais aussi une grave blessure dont il dut porter durant toute sa vie les marques profondes. Avec son courage tranquille, il s'y était si bien habitué que, resté très agile, il excellait aux jeux du corps, au tennis en particulier. La profession de son père, commerçant viticole important de Paris, allait commander non seulement ses études supérieures, poursuivies dans une Ecole d'agriculture de Suisse, mais aussi la sienne: celle d'exploitant agricole. Il fut ainsi conduit à diriger un vaste domaine viticole, acquis par son père, situé au Corso, près du village de l'Alma, à 40 km d'Alger. Il devait le gérer, depuis son arrivée en Algérie en 1920 jusqu'à son départ en 1965, avec un soin extrême, une vigilance de tous les instants, d'autant plus que les revenus du domaine n'étaient pas seulement les siens, mais aussi ceux de son frère, le général Lamy, de ses sœurs et de ses nombreux neveux et nièces. Son expérience de viticulteur allait se compléter par la gestion d'un autre domaine, appartenant à sa belle-famille, originaire de France et d'Oranie, domaine céréalier situé à Vialar dans le Sersou algérois. Jean Lamy était doué par la nature. Aucune qualité de prime abord exceptionnelle, mais un ensemble de qualités sortant de l'ordinaire. D'abord manuelles. En bon colon, il savait mettre la main à la pâte, conduire un tracteur et veiller, la nuit durant, lors des vendanges, sur l'élaboration bouillonnante du vin. Mais intellectuelles aussi. Il avait une grande ouverture d'esprit sur la littérature, l'art, la politique. Il parlait en public avec aisance et autorité ; il écrivait d'une petite écriture fine, calligraphiée, coulant naturellement, sans aucune rature. En définitive un équilibre véritable, un contact d'abord réservé, mais très humain au fond. Il était aussi à l'aise avec ses ouvriers qu'au sein de ses Conseils d'Administration ou dans les bureaux des hauts fonctionnaires, fussent-ils ceux du Gouvernement Général ou, plus tard, ceux de l'Elysée. S'il fallait trouver en lui une qualité maîtresse, ce serait celle de l'organisation et de la méthode. Jean Lamy commença sa carrière de dirigeant en animant, dès 1931, les Associations d'Anciens Combattants. Sa conduite pendant la Grande Guerre avait mérité certes qu'on vienne le chercher. Très vite, il fut attiré par les organisations agricoles, plus spécialement celles relevant de la coopération. C'est ainsi qu'il entra au Conseil d'Administration de la Tabacoop Kabyle, la culture du tabac tenant une place importante dans l'Ouest algérien. Cet organisme, dont il devint plus tard Président, lui était particulièrement cher. La culture du tabac était en effet l'œuvre, en quasiexclusivité, des fellahs, cultivateurs musulmans. Elle leur apportait des moyens de vivre importants. Ses adhérents, les membres de l'Assemblée Générale, connaissant son intégrité, avaient pour lui un profond respect. L Union Algérienne de la Confédération Générale de l'Agriculture (U.A.C.G.A.) ne dut son existence et son développement que grâce à l'autorité incontestable de son Président, Jean Lamy; choisi dès l'origine, et au crédit dont il bénéficiait dans le milieu agricole européen et musulman. Créé en 1946., l'organisme était la réplique en Algérie de la C.G.A. métropolitaine à laquelle il adhérait. Cette organisation eut un rayonnement et connut un développement certain. Jean Lamy fut aidé par une équipe administrative peu nombreuse, mais d'un réel dévouement. Les problèmes évoqués étaient très divers : fiscalité, lois sociales, salaires agricoles, relations avec les organisations métropolitaines correspondantes, état actuel de l'agriculture, calamités, prix des produits, comptes rendus des réunions de la Région Economique d'Algérie. Dès 1950, un bureau fut installé à Paris. Le développement de l'U.A.C.G.A. se manifesta par sa diversification et la création de fédérations ou groupements aux objectifs plus restreints. De la sorte on vit naître la Fédération algérienne de l'Oléiculture, l'Association Générale des Cadres de l'Agriculture algérienne, le Syndicat Agricole des Irrigants. Mais la création la plus importante, menée avec autorité par le président Lamy fut celle de l'Association Générale des Producteurs de Céréales de l'Algérie, réunissant sans conteste des personnalités parmi les plus fortes de l'agriculture algérienne. Un journal hebdomadaire La Terre Algérienne reflétait son activité. En fin d'année, paraissait un numéro spécial. L'éditorial était souvent rédigé par le président Lamy. Le souci de l'entente à préserver entre Européens et Musulmans devait être une des préoccupations majeures de Lamy; une des lignes directrices essentielles de son action. A la suprématie statutaire de son organisme, il préférait le poids des relations humaines, celles de l'amitié et de la compréhension réciproque Son rayonnement était tel que, dès 1954, et même enténèbrement, lorsqu'une présidence se libérait dans le monde agricole, son nom était prononcé. Il en fut ainsi de la Société des Agriculteurs d'Algérie, de la Caisse Mutuelle des Retraites des Exploitants Agricoles, et aussi dans un domaine extra-professionnel de la Caisse d'Accession à la Propriété de l'Exploitant Agricole (C.A.P.E.R.) et de l'Union Syndicale Algérienne d'Action Economique et Sociale (U.S.A.A.E.S.). Cet organisme, créé en 1955, composé des représentants de l'économie algérienne, avait pour but d'informer et d'agir auprès des pouvoirs publics de la métropole, afin de maintenir, dans un climat nouveau de rénovation profonde, la souveraineté de la France en Algérie. Son action la plus importante se manifestait à Paris, siège du pouvoir politique et du Parlement, où les décisions finales sont prises. Lors de leurs déplacements à Paris, le président, comme les membres du bureau, rendaient visite aux personnalités françaises: Président du Conseil, personnalités du Patronat, des syndicats pour préciser les aspirations des adhérents , mais aussi de la population et plus spécialement de l'élément européen. A partir de 1960, l'évolution de la politique fut à l'origine de divergences d'opinions, à l'intérieur de l'Union, Son action, et celle de son président, entouré de quelques fidèles, qualifiés de "libéraux" par l'opinion européenne, apparut de plus en plus isolée et eut de plus en plus tendance à se situer, en toute bonne foi, dans la mouvance gouvernementale. Décidé pourtant à poursuivre son action pour sauver ce qui pouvait être sauvé, pour maintenir, en dépit d'une évolution contraire, une influence française réelle dans le pays, pour y défendre les intérêts d'une communauté française' qui, selon les prévisions des officiels, ignorants de la réalité de ses sentiments profonds, y resterait, le président Lamy et l'Union avec lui, demeurèrent présents à Alger comme à Paris. A l'ouverture du Colloque Quermonne tenu dans la banlieue d'Alger le 11 juin 1960, le président Lamy en avait dégagé l'esprit général, soulignant le rôle important de la profession, celui de "constituer et reconstituer avec patience et persévérance un terrain permanent de rencontre des communautés". Nul, ajoutait-il en conclusion, ne peut et ne doit suspecter les intentions mutuelles et la volonté qui nous anime de conserver à cette terre le caractère français que lui ont imprimé cent trente ans d'histoire. Et nous pensons que, pour y parvenir, il n'est pas de meilleure façon que de rechercher constamment pour les appliquer ensuite, les meilleures règles d'une cohabitation fraternelle des communautés. A la même époque, le président Lamy sollicita des entrevues auprès des autorités françaises, chargées des Affaires algériennes, afin de les éclairer, d'obtenir d'elles des précisions, de leur soumettre des cas concrets exigeant une solution. Il eut ainsi avec le général De Gaulle trois entretiens, dans l'ensemble plutôt décevants. Si la déclaration de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962 mit fin à l'action de l'Union en tant que groupement, Jean Lamy, entouré de quelques fidèles, dans le but constant de maintenir une influence française dans le pays, tel un missionnaire, poursuivit sa tâche. Action d'autant plus nécessaire que des ressortissants français se trouvaient encore dans le pays et que, notamment près du tiers des agriculteurs français et européens, étaient présents sur leurs exploitations, présence poursuivie jusqu'à la nationalisation des terres, prononcée par le Gouvernement de Ben Bella le 1er octobre 1963. Dès les premiers mois de l'indépendance, le président Lamy s'efforça en vain d'obtenir du pouvoir algérien, jaloux de sa toute puissance, les respects des clauses des Accords d'Evian, concernant notamment la constitution de la Cour des Garanties, juridiction prévue pour faire respecter les droits des ressortissants français. Il se consacra aussi à des tâches qui concernaient ces derniers. Il en fut ainsi par exemple de ses efforts, déployés dans la recherche des disparus, enlevés par le F.L.N. dans les dernières semaines de l'Algérie Française, dont on était et on resta sans nouvelles. De même, l'Association de Sauvegarde dont il était le président, facilita et prit en main le rapatriement en France des petits viticulteurs de la région de Guyotville, située sur le littoral à l'ouest d'Alger, spécialisés dans la culture du maraîchage et du raisin de table. Cette idée d'un pays apaisé, où régneraient encore l'influence française et celle d'une Europe toute proche avait été la ligne directrice, le rêve, pourrait-on dire de Jean Lamy. Il n'a pu se réaliser.
OG. D'après Robert Thomas-Richard
Bibliographie:
Plaquette éditée par la Maison des Agriculteurs Français (M.A.F.A.) : Jean Lamy, témoignage sur l'homme et son action, par Robert Thomas-Richard.
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