Gabriel

Esquer

 
 

Caunes-Minervois, 1876

Alger, 1961

 

Grand historien quelque peu oublié, de l'Algérie des temps de la conquête et de la colonisation, Gabriel Esquer fut l'un des esprits les plus éminents de son époque. Ses ouvrages constituent une source historique irremplaçable.

Gabriel Esquer est né le 12 avril 1876 à Caunes-Minervois dans l'Aude. Il fait ses études au lycée Janson-de-Sailly, puis les poursuit à l'École des Chartes. Il prépare alors son diplôme d'archiviste paléologue, tout en se consacrant au journalisme et au théâtre. Il collabore ainsi à plusieurs périodiques de l'époque: Gil Blas, Voltaire, l'Aurore, au temps de l'affaire Dreyfus. Il assume la fonction de secrétaire général des théâtres des Mathurins et des Bouffes Parisiens et parvient à faire jouer sous un pseudonyme quelques revues d'actualité, En 1903 il est nommé archiviste en chef du département du Cantal.

Rien apparemment, ni dans ses origines, ni dans sa formation, ne le prédestinait à une carrière africaine. Cependant, il sollicite et obtient en 1909, sa nomination au poste d'archiviste- bibliothécaire du Gouvernement Général de l'Algérie. En 1910, il est nommé administrateur de la Bibliothèque Nationale d'Alger. Il adhère à la Société Historique Algérienne dont il sera le secrétaire général et l'animateur de 1927 à 1938.

Dès 1910, il fait paraître dans la Revue africaine son premier article qui sera suivi de nombreuses autres études de poids sur l'histoire contemporaine de l'Algérie. Pendant la Grande Guerre, il est mobilisé et se retrouve avec le grade de sergent au troisième régiment de Zouaves dans le Corps expéditionnaire Français d'Orient, que le général Franchet d'Espérey(1) conduira à la victoire sur les Bulgares en 1918.

En 1923, Gabriel Esquer publie son ouvrage majeur, La prise d'Alger, qui, réédité en 1929, obtient le Grand Prix littéraire de l'Algérie et le second prix Gobert de l'Académie Française.

"L'ensemble de ses travaux", écrit Xavier Yacono dans la Revue africaine, "s'oriente dans trois directions : la bibliographie, la publication de textes et l'iconographie". Il publie notamment en 1929 une monumentale Iconographie historique de l'Algérie du XVIème siècle à 1871, regroupant plus de mille reproductions en noir et en couleurs de peintures, aquarelles, dessins, estampes, images populaires et médailles commémoratives.

C'est un ouvrage de base pour tout historien de l'Algérie.

Esquer a accompli, en outre, un travail prodigieux de recensement des archives de la colonisation qui s'est traduit notamment par la publication en huit volumes de la correspondance du duc de Rovigo, des généraux Voirol, Drouet d'Erlon et du maréchal Clauzel, de même que la reconnaissance d'Alger par le chef de bataillon Boutin(2).

En même temps qu'il fait paraître ses importants travaux, il enseigne à la Faculté des Lettres sur les sciences auxiliaires de l'Histoire.

Secrétaire de la Fédération des Sociétés savantes de l'Afrique du Nord, il organise les congrès d'Alger, de Tlemcen, de Constantine, de Rabat, et de Tunis. Les Actes en constituent des sources de premier plan pour les historiens.

Ayant approuvé en 1940 la résistance du général de Gaulle, il recevait de nombreux visiteurs dans son bureau algérois de la rue Emile Maupas, à l'écoute des uns et des autres, ce qui lui permit de publier en 1946, Le 8 novembre 1942, Jour premier de la Libération

Dans Alger, devenue capitale par intérim d'une France occupée, il participe activement à la vie intellectuelle et politique. Dans le journal Combat, il publie une chronique régulière signée Propos d'un Jacobin. De sa voix un peu voilée, il présente en direct sur les ondes de Radio- Alger des chroniques historiques ou littéraires. Il n'oublie pas le théâtre, faisant interpréter à la radio par la troupe de Radio Alger le coup d'État du 2 décembre 1851. En 1936, Esquer, alors administrateur de la Salle Pierre Bordes(3), avait permis à un jeune animateur inconnu d'équipes théâtrales, nommé Albert Camus, d'utiliser moyennant une somme symbolique, cette salle où officiaient habituellement conférenciers et musiciens célèbres.

Esprit libre, indépendant, à l'humour souvent caustique, Gabriel Esquer était profondément attaché aux principes républicains. Dès avant la guerre d'Algérie, il s'était attiré l'inimitié des tenants d'un conservatisme étroit, hostiles à tout changement. C'est ce qui peut expliquer le black-out observé par les historiens quant à son œuvre. Quoi que puissent en penser certains, cette œuvre demeurera l'une des sources irremplaçable de la période coloniale en Algérie. Son ampleur et sa qualité couvrent une existence mise au service d'une exigence d'objectivité. Décoré de nombreuses fois, notamment de la rosette de la Légion d'honneur, Gabriel Esquer était membre non résidant de l'Académie des Sciences d'outre-mer.

 

Jean Déjeux

 

 

1 Voir la biographie de Louis Franchet d'Esperey dans Les Cahiers d'Afrique du Nord N° 8.

2 Voir la biographie de Vincent Yves Boutin dans Les Cahiers d'Afrique du Nord N° 3.

3 Voir la biographie de Pierre Bordes dans Les Cahiers d'Afrique du Nord 5.

 

 

Parmi ses œuvres :

 

La bibliographie de Gabriel Esquer est importante. Nous ne pouvons en rendre compte entièrement ici. Une liste exhaustive à laquelle nos lecteurs pourraient éventuellement se référer a été établie par Xavier Yacono dans la Revue africaine: T. CV, 3e et 4e trimestres 1961 (pp. 434-438) à la fin de son article d'hommage à l'auteur. Parmi les ouvrages relatifs à l'Algérie, retenons :

* Les commencements d'un Empire, la prise d'Alger. Alger, l'Afrique latine 1923 ; nouv. édit. augmentée et illustrée, 1929, Paris, Larose

* Iconographie historique de l'Algérie du XVIème siècle à 1871. Paris Plon 1929. 3 albums in-folio. Collection du centenaire de l'Algérie.

* Un Saharien le colonel Ludovic Polignac (1827-1904), Paris, Emile-Paul1930.

* Histoire et historiens de l'Algérie, en collaboration, Paris-Alcan 1931. Collection du centenaire de l'Algérie.

* Algérie, atlas historique, géographique et économique, en collaboration, Paris, Horizons de France 1934.

* Le 8 novembre 1942, Jour premier de la Libération, Alger Charlot, 1946.

* Alger et sa région, Paris et Grenoble Arthaud 1949.

* Histoire de l'Algérie 1830-1930, Paris PUF collection Que sais-je, N° 400, 1950.

* Visages de l'Algérie, en collaboration, Paris, Horizons de France 1953.

* L'Algérie vue par les écrivains, Oran Simoun, 1957.

* La vie intellectuelle en Algérie, Oran Simoun, 1957.

 

Ajoutons de nombreux articles parus dans diverses revues : Annales universitaires de l'Algérie, Afrique latine, Revue africaine, Algéria, Revue française.

 

 

Bibliographie :

 

* Xavier Yacono, Gabriel Esquer in Hommes et destins, tome IV.

* AM Briat, J. de la Hogue, A. Appel, M. Baroli. Des chemins et des hommes. Collection Mémoire d'Afrique du Nord, ed. Harriet, 1995.

 

 

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