Micheline

Ostermeyer

 
 

Pas-de-Calais, 1922

Rouen, 2002

 

Sportive de haut niveau et musicienne de grand talent, elle sut allier les dons magnifiques qu'elle possédait, pour atteindre en des domaines si différents de grandes performances, malgré une vie familiale difficile.

Née le 23 décembre 1922 dans le Pas-de-Calais, d'un père .alsacien et d'une mère bretonne, Micheline Ostermeyer part, toute jeune, habiter la Tunisie avec ses parents. De son père, elle tire ses qualités physiques, de sa mère et de son grand-père maternel, Laroche, fondateur du Conservatoire de musique de Vannes, ses dons musicaux.

Dès l'âge de quatre ans, elle prend ses premières leçons de piano avec sa mère. Elle donne son premier récital à douze ans. Ses progrès sont si rapides qu'elle retourne en France à treize ans pour entrer dans la classe de Lazare Lévy, au Conservatoire national de musique et d'art dramatique de la rue de Madrid à Paris. Au début de la seconde guerre mondiale, elle rejoint sa famille à Tunis. C'est là qu'elle découvre le basket et, avec lui, un sport d'équipe et l'esprit de camaraderie qui rompent avec la pratique solitaire du piano. Ses aptitudes physiques naturelles la font vite remarquer par ses professeurs, qui l' orientent vers l'athlétisme. En 1941, elle remporte cinq titres au championnat de Tunisie, tout en donnant un récital chaque semaine sur les antennes de Radio-Tunis. Elle joue bientôt dans toute l'Afrique du Nord.

En 1943, elle fait une rencontre décisive pour sa pratique du sport de haut niveau :

Antoine Oliveri lui apprendra tous les secrets du lancement du poids et lui fera découvrir la technique toute récente du "rouleau californien" pour le saut en hauteur.

A la Libération, elle retourne à Paris retrouver son illustre professeur. Frappé par les lois anti-juives, Lazare Lévy s'était caché en zone libre et avait échappé aux rafles. Il accueille à bras ouverts celle qui est devenue une pianiste professionnelle. Pas question pour autant de quitter la compétition. En 1945, elle bat le record de France du poids.

Dans une interview (Le Monde du 28 septembre 2000), Micheline se souvenait de ce retour en France, placé sous le double signe de la musique et du sport: "Je me suis rendue à la Fédération d'athlétisme et me suis présentée. Ils n'étaient pas au courant de mes performances à Tunis. Je leur ai rappelé que j'avais battu le record de France du poids, et que j'avais presque égalé celui du saut en hauteur. Quand je leur ai annoncé, en plus, que j'étais pianiste, ils étaient tellement estomaqués que je n'ai pas osé leur dire que je courais aussi, très vite ... "

En 1946, Micheline Ostermeyer obtient son premier prix de piano au Conservatoire et participe aux championnats d'Europe d'athlétisme. L'année suivante elle enchaîne les concerts, devient championne de France du poids, du saut en hauteur, du 60 mètres et du pentathlon et passe le concours de Genève.

En 1948, elle participe aux Jeux Olympiques à Londres. Bien que maîtrisant mal la technique du lancer du disque, auquel elle ne s'est mise que deux mois avant les épreuves, elle remporte pourtant la médaille d'or avec un lancer de 41,92 mètres. Une deuxième médaille d'or suit, celle du lancer du poids, une troisième enfin, de bronze, lui est décernée pour le saut en hauteur.

A son retour, les tournées reprennent, mais Micheline, pianiste, n'a pas de soutien dans le milieu musical parisien. Elle organise donc, en 1949, un concert salle Gaveau. Et ose l'inimaginable, en enchaînant le Concerto en ré mineur de Brahms, Les Variations symphoniques de Franck, et Le concerto en mi bémol de Liszt ! Un exploit aussi sportif qu'artistique qui lui vaut un grand succès public. Elle donne vingt -quatre concerts par trimestre.

Va-t-elle abandonner le sport? En 1950, elle se lance dans la course de haie qui la passionne. Mais un accident la contraindra à s'arrêter. Treize fois championne de France et titulaire d'une vingtaine de records dans huit spécialités différentes, elle se retire alors de la compétition sportive pour se consacrer exclusivement à sa carrière de pianiste virtuose.

En 1952, elle rencontre l'homme de sa vie, René Gazar Ghazarian. Ils vivront un temps à Beyrouth, mais rentreront à Paris pour faciliter la poursuite de la carrière de pianiste de Micheline. Ils auront deux enfants, Alain et Joëlle. Mais leur bonheur sera de courte durée, car, en 1956, René meurt d'un cancer fulgurant. Micheline essaye de concilier sa vie de mère de famille et d'artiste, mais rien n'est facile. Elle devient professeur, dans une école nationale de musique, où elle exercera durant vingt-cinq ans. Seule son énergie indomptable lui permettra de franchir les obstacles. Malheureusement, une autre tragédie la frappe en avril 1990, son fils Alain étant assassiné par des loubards à Saint-Ouen. Elle se réfugie alors dans la musique, jouant six à sept heures par jour sur son Stenway, hérité de son grand-père. Depuis 1990, elle avait repris ses tournées de concert, en Suisse, à Paris et autres lieux de France, à l'île de la Réunion, aussi bien en récital, avec orchestre, en musique de chambre, et particulièrement à deux pianos.

L'un des derniers concerts qu'elle donnera en compagnie de son "complice", François-René Duchable, sera organisé par le Cercle algérianiste de Montpellier le 16 novembre 2000. Elle y interpréta notamment Réminiscences de Don Juan, de Liszt, Romance et Tarentelle de Rachmaninoff, Valse, extrait de Mascarade, de Khatchatourian. A la fin du concert, d'un seul élan, le public se leva et ovationna longuement cette artiste qui, déjà très souffrante, avait tenu à honorer son engagement en assurant une prestation artistique d'une très grande qualité.

Micheline Ostermeyer s'est éteinte à Rouen le 17 octobre 2002 à l'âge de soixante-dix-neuf ans et est enterrée à Grémonville (Seine-Maritime).

 

O.G.

 

Parmi ses œuvres :

 

Enregistrement de CD :

* œuvres de Fauré, Brahms, Debussy, Scriabine et la Deuxième Sonate de Rachmaninov. 1999.

* concert de pièces pour deux pianos interprétés avec François-René Duchable.

* concert donné au Cercle algérianiste de Montpellier le 16 novembre 2000.

 

Bibliographie :

 

* Micheline Ostermeyer ou la vie partagée de Pierre Rubenach. Biographie publiée par Michel Bloit. L'Harmattan. 1996.

 

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