Charles-Ferdinand

Destrées

 
 

Alger. 1834

Paris. 1904

 

Un exemple fort intéressant du rôle important que jouèrent les consuls dans la diplomatie française à la fin du XIXè siècle.

Dans la lignée des consuls de France à Tripoli de Barbarie, Charles Destrées fut le contemporain d'événements importants où il joua un rôle diplomatique de valeur.

Né à Alger où son père était interprète militaire, il fait tout naturellement les mêmes études dans cette ville et commence une carrière de drogman à Tanger en décembre 1852 à l'âge de dix-huit ans. Tour à tour à Tunis, à Mogador, puis de nouveau à Tanger, il passe rapidement dans le cadre consulaire comme cela s'effectuait assez souvent. En 1873, il est consul de deuxième classe à Bagdad, puis à Alep. En 1881, il se marie avec Jeanne Garcin dont les parents s'occupaient de commerce au Levant. Passant au grade de première classe, il est en poste un an et demi à Jérusalem, puis gagne Tripoli de Barbarie le 31 décembre 1884. Il Y restera jusqu'au 26 mars 1896.

Lorsqu'il arrive en Tripolitaine, il succède à Feraud. Les Turcs qui ont repris en mains cette province éloignée, après avoir mis fin à la dynastie des Karamanlis, s'y établissent en force, bien décidés à conserver l'intégrité du pays entre une Egypte sous tutelle anglaise et une Tunisie sous protectorat français. Les Français y sont peu nombreux, outre les quatre membres du personnel consulaire, on compte trois négociants et quatre artisans avec leurs familles. Depuis 1830, de nombreux Algériens, protégés français, font du commerce, il y a aussi quelques réfugiés politiques qui se livrent à une propagande antifrançaise. Destrées, dès son arrivée, va parachever le travail de son prédécesseur en mettant fin à l'agitation frontalière des tribus tunisiennes réfugiées en Tripolitaine. La Turquie, en effet, si elle n'intervient point ferme les yeux sur cette subversion qui la conforte puisqu'elle ne reconnaît point l'établissement du protectorat français en Tunisie. En contact avec la Résidence Générale à Tunis, il obtient des amra pour faciliter le retour des tribus insurgées.

Il existait dans l'extrême sud tripolitain, une concurrence entre le commerce caravanier qui, par Ghadamès et Ghat, gagnait Tripoli et celui qui, par Ghadamès et Gabès, gagnait Tunis. De plus la Turquie étendait progressivement son influence vers le nord du Soudan et, depuis 1873, un aventurier senoussi te, Rabah, puis son fils Soleiman, mettaient à feu et à sang toute la région du lac Tchad et plus particulièrement le Bornou. Destrées s'investit beaucoup dans ces deux problèmes réussissant d'une part à rendre plus attractif, pour les caravanes, le parcours commercial vers le sud tunisien et d'autre part à s'entremettre localement pour faciliter la convention franco-anglaise du 10 avril 1890 qui, en définissant les zones d'influence de chaque pays, contribua ensuite à la pacification. Ce fut également lui qui mena du côté tripolitain, avec les officiers turcs, les pourparlers en vue de la fixation de la frontière tuniso-tripolitaine qui n'avait jamais été établie officiellement et donnait lieu à d'interminables contestations. Par une correspondance suivie avec le commandant Rebillet, chef d'Etat Major de la Brigade d'occupation en Tunisie, il prépara la conférence de Zouara en 1893 qui réunit, à la même table, diplomates et militaires turcs et français. Destrées, attentif à tous les documents en langue arabe présentés par les Tripolitains découvrit que la carte avait été falsifiée. Le document datant de 1806 portait(1) une grossière surcharge repoussant la frontière de soixante kilomètres à l'intérieur de la Tunisie. Il convainquit le Vali, gouverneur de la Tripolitaine de cette supercherie. Les pourparlers furent suspendus et ne reprirent qu'en 1903.

Destrées eut également le mérite d'imposer son honnêteté et sa rigueur de vues aux autorités. turques qui craignaient une action de la France en Tripolitaine comme en Tunisie. Les troupes ottomanes furent retirées de la frontière, les commerçants français dans le pays ne subirent aucun mal. Dans cette période délicate où la France craignait que son action en Afrique du Nord n'entraîne des complications internationales, Destrées avait joué un rôle éminent dans l'achèvement de la mise en place du protectorat tunisien.

Au moment de sa retraite, il fut élevé au grade de ministre plénipotentiaire de première classe, en récompense des services rendus.

Il décéda à Paris, au 102 rue de Vaugirard, le 8 avril 1904.

 

François ARNOULET

 

1 Des décrets

 

 

Bibliographie :

 

* E. Rouard de Card, La France et la Turquie dans le Sahara oriental. Paris 1900.

* André Martel, Co1ifins saharo-tripolitains de la Tunisie, 1881-1911, Ed. P.U.F, 2 tomes.

* A. Del Boca, Gli italiani in Libia Tripoli bel suolo d'amore. 1860-1922. Bari, 1986.

* F Arnoulet, Les papiers Destrëes, consul de France à Tripoli 1884-1896. Revue d'histoire maghrébine, mai 1995. Archives du Quai d'ORSAY / PA-AP 039, volume 1.

 

 

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