Jacques Devoize |
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Voiron 1745 Voiron 1832 |
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"Affable, sans empressement de mauvais ton, bienveillant, probe et maître de lui, il a la fière élégance d'un ancien capitaine de cavalerie" un jugement qui définit bien Devoize, consul de France à Tunis dans une époque difficile ...
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Né à Voiron (Isère), le 29 mai 1745, Jacques Devoize de Voiron était le fils d'un marchand drapier et assesseur de la communauté de cette ville. Sa mère, née Marthe Rochas, était fille d'un gros propriétaire terrien. Il fait ses études au collège des Pères Augustins de Voiron. Lieutenant de cavalerie, ancien garde du corps du roi d'Espagne, Devoize entre dans la carrière consulaire le 9 décembre 1774. Tour à tour en poste à Tunis où il passe cinq ans en qualité de vice-consul et de chargé d'affaires, puis à Lattaquié, à Tripoli de Syrie et à Scio, il est nommé consul de France à Tunis et débarque à La Goulette le 4 avril 1792. Il paraît être l'homme désigné pour succéder à Guy de Villeneuve, consul par intérim, trop jeune pour assumer cette responsabilité en une période secouée par la tourmente révolutionnaire. A la fin du XXVIIIème siècle, le consul était non seulement le chargé d'affaires et l'officier d'état-civil, mais aussi l'intermédiaire obligatoire de toutes les opérations commerciales et les transactions effectuées par 'ses ressortissants. C'est dire l'importance. d'un tel poste. La tâche de Devoize était difficile. Sous la Révolution, l'influence française est mise en brèche à Tunis. Les résidents français donnent un spectacle affligeant de dissensions. C'est donc dans un climat houleux où régnait la suspicion, que Devoize fut chargé de rétablir l'ordre. Le ministre Bertrand lui fixe deux objectifs : rétablir le calme et la discipline dans la nation et démontrer que la France veut protéger le commerce et la navigation de ses ressortissants. Devoize, en bon diplomate, s'emploie à calmer les Français les plus turbulents. Il est reçu cordialement par le bey Hamouda Pacha. Mais les événements politiques qui se déroulent en France (abolition de la royauté et établissement de la Convention) rendent sa situation délicate. Des émigrés de la région provençale arrivent à Tunis, creusant le fossé entre républicains et royalistes. Devoize, bien qu'ancien officier royal, assure la Convention de son attachement. Le 12 février 1793, la victoire de Jemmapes, remportée par Dumouriez, est célébrée au Fondouk (résidence du consul de France). Un Te Deum a lieu dans la chapelle consulaire, suivi d'un repas de 80 couverts auquel sont conviés les consuls étrangers, à l'exception de ceux d'Angleterre et d'Autriche qui ne cessent de contrecarrer Devoize. La Marseillaise retentit pour la première fois à Tunis. Mais d'autres émigrés, destitués de leurs biens, débarquent à Tunis, sous la houlette de Vence; commandant la division navale, ce qui déchaîne la colère des révolutionnaires locaux. Devoize est accusé d'accepter ces "traîtres au pays". Une mission, commandée par le commissaire Lallemant, est envoyée par le Comité de Salut Public à Tunis, pour démasquer dans la Régence les faux républicains et renouer des relations avec le Bardo, suivant les nouvelles formules révolutionnaires. Sur ces entrefaites, la peste sévit à Tunis. Les Français, pour éviter la contagion, se réfugient au Fondouk autour de Devoize, dont on loue l'honnêteté, le patriotisme et l'abnégation. Les temps sont durs. Devoize voit son traitement diminuer. Il a des ennemis dans le monde républicain. La pénurie de blé en France et le peu d'approvisionnement arrivant de Tunis en raison du blocus, irritent le Comité de Salut Public. Une mission extraordinaire, dirigée par le citoyen Herculais, arrive à Tunis. L'un de ses objectifs est de procéder à l'épuration des ennemis de la République. Herculais suspecte aussi bien le bey et ses ministres que Devoize, et organise contre ce dernier une campagne de calomnie, le suspectant de sentiments royalistes. Le Directoire rappelle le consul à Paris, tout en reconnaissant qu'il n'a commis aucune faute grave. Herculais ayant finalement été disqualifié, Devoize, lavé de tout soupçon, est rétabli dans ses fonctions le 10 août 1797 et regagne Tunis. Il reçoit chez lui François René de Châteaubriand, en voyage vers le Moyen-Orient, qui écrira par la suite : "nous avons trouvé chez M. et Mme Devoize l'hospitalité la plus généreuse et la société la plus aimable." Après le coup d'Etat du 18 brumaire (9 novembre 1799) et le retrait des armées républicaines d'Egypte, le bey Hamouda Pacha oblige Devoize à quitter Tunis le 5 mai 1801. Mais, la paix rétablie, et après avoir arrêté avec Talleyrand les modalités d'un accord, Devoize, muni des pleins pouvoirs, signe au Bardo un traité le 23 février 1802. Ce traité accordait au commerce français un avantage certain sur le plan commercial. L'article 8 garantissait la liberté dans la Régence pour tous les Français. Les avantages que la France retirait de ce traité la mettait dans une situation plus compétitive que sous l'Ancien Régime. De ce fait, le nombre de ses ressortissants allait s'accroître rapidement puisque, en cinq ans, il va tripler. On comptait 375 Français en 1809. Devoize reprend son poste à Tunis. Son retour fut la fin d'un cauchemar. La paix revenue fit oublier toutes les querelles intestines et la nation retrouva son équilibre d'antan. Toute la première moitié du XIXème siècle sera marquée par un redressement spectaculaire du négoce entre Tunis et Marseille, redressement qui précédera la pénétration industrielle et capitaliste après 1850. Devoize quitta définitivement Tunis le 4 novembre 1819. Par son énergie et sa diplomatie, il avait triomphé de tous les obstacles rencontrés dans un climat politique extrêmement mouvant. Sa mission très délicate, fut en effet accomplie sous la Révolution, l'Empire et la Restauration, avec les difficultés inhérentes à ces trois régimes, face à un potentat musulman inquiet de ces changements. Il se retira à Voiron dans une propriété achetée sous la Révolution et il fut élu au Conseil municipal jusqu'en 1830. Il mourut le 9 novembre 1832, à l'âge de 87 ans. Conjointement à ses charges consulaires, Jacques Devoize avait également assuré les fonctions de chargé d'affaires de Sardaigne à Tunis de 1792 à 1816.
Odette Goinard
BIBLIOGRAPHIE
- François Arnoulet, Les Français en Tunisie pendant la Révolution (1789-1802) Imprimerie La Pensée Universitaire août 1992. - Anne Mézin, Les Consuls de France au siècle des Lumières Imprimerie Nationale. Relevé par Pierre d'Outrescaut - mai 1998.
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