Paul Bourde |
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Voissant (Isère) 1851 Paris 1914 |
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Sans pour autant renoncer à son rêve de jeunesse, devenir journaliste et écrivain, Paul Bourde a donné l'exemple de ce que peuvent faire l'intelligence et la ténacité. |
Né à Voissant (Isère) le 23 mai 1851, Paul Bourde était le fils d'un sous-brigadier des Douanes. Lors de la réunion de la Savoie à la France, celui-ci fur muré à la frontière belge. , Paul fut élève à l'école communale d'Harcy, puis au petit séminaire de Charleville où il eut pour condisciple Arthur Rimbaud et le futur romancier Jules Mary. Exclu du collège pour avoir, avec ses camarades fomenté un plan d'évasion (ils projetaient de partir à travers l'Abyssinie à la recherche des sources du Nil), il fit le dur apprentissage des travaux de la terre dans le Bugey où ses parents s'étaient retirés. Doué d'une volonté tenace et d'une grande soif d'apprendre, il obtint un petit emploi à Lyon où il fit la connaissance du conservateur de la bibliothèque, le poète Joseph Soulary. Celui-ci l'aida à gagner Paris où, bien qu'autodidacte, il avait le désir de devenir journaliste. Ses débuts dans cette profession furent des plus pénibles. La guerre franco-allemande s'étant déclarée, il dut s'engager dans la Garde Nationale pour ne pas mourir de faim. Le grand chimiste Marcelin Berthelot, rencontré par hasard, lui facilita une entrée au journal Le Temps qui le choisit pour accompagner en Algérie une mission de parlementaires (1879). La relation qu'il publia de ce voyage consacra sa réputation de grand reporter et de publiciste colonial. En 1880, Paul Bourde assiste à l'occupation de la Tunisie, puis il parcourt l'Europe. En 1885, il est à la prise de Bac-Tinh au Tonkin. Ces voyages donnent lieu à de nombreux articles publiés par Le Temps et souvent réunis en volumes. En 1880, après un nouveau séjour en Tunisie, Paul part en campagne contre le quai d'Orsay qu'il accuse de méconnaître ses obligations dans la Régence, et de ne pas se soucier du sort des populations autochtones, plongées dans la misère, alors qu'une émigration bien dirigée de petits colons français leur montrerait, en même temps que les bonnes méthodes de culture, les « voies de la prospérité, du progrès et du bonheur », Le prenant au mot, le gouvernement le nomme directeur des Contrôles civils et des renseignements coloniaux. A son arrivée à Tunis, il sera également promu directeur de l'Agriculture. Il devient ainsi le véritable et tout puissant animateur, non seulement de la colonisation, mais de l'ensemble des activités agricoles dans le Protectorat. Il parcourt le pays en tous sens et lit les auteurs anciens. Au sud de Kairouan, sur des milliers d'hectares, s'étendait une vaste steppe désertique réputée incultivable. De l'extrême aridité du sol, voué à de longues sécheresses, les agronomes avaient conclu que cette terre était morte. Bourde démontra qu'elle était au contraire propre aux cultures fruitières, en particulier à celle de l'olivier, à la seule condition d'espacer largement les arbres et de tenir le sol sans cesse ameubli. Il révéla que, contrairement .aux suppositions des archéologues, les pierres taillées émergeant des nombreuses ruines romaines étaient, non des stèles élevées aux divinités locales, mais des meules de moulins à huile. Ainsi se trouvèrent confirmés les récits de Pline et de Juvénal attestant que l'on pouvait cheminer dans le sud tunisien pendant des jours « à l'ombre des forêts ». En un an, grâce aux diligences de Bourde, grâce à la mobilisation de vastes espaces disponibles, on enregistra plus de 800 demandes de concessions portant sur près de 60000 hectares qui furent bientôt plantés en partie par le truchement d'associations entre colons européens et métayers indigènes (contrats de Megharsa). Rien de ce qui concernait l'agriculture tunisienne ne le laissa indifférent. Les rapports qu'il rédigea à l'intention du Résident Général représenteraient plusieurs gros volumes. Ils traitent aussi bien des cultures céréalières que de celles des essences fruitières, de l'élevage du mouton, des invasions de sauterelles, de l'utilisation du cactus ou des plantations de vignes. Son succès avait été tel qu'en 1895 on le nomma secrétaire général de Madagascar. La transformation de ce nouveau protectorat en colonie abrégea son séjour dans la grande île. Il reprit alors sa collaboration régulière au journal Le Temps auquel il demeura fidèle pendant vingt ans, préconisant notamment l'un des premiers, l'intervention de la France au Maroc et la prospection méthodique du Sahara. Il ne cessa pour autant, de méditer et d'écrire sur les sujets les plus divers, philosophiques ou historiques, notamment sur la Révolution, montrant l'extraordinaire éclectisme de sa réflexion er la fécondité de son talent, et cela, sans se départir de la discrétion et de la modestie qu'il avait toujours manifestées. Devenu percepteur à Maisons-Laffitte, puis à Paris, il mourut en octobre 1914, soucieux jusqu'au bout d'accomplir sa fonction administrative, sans renoncer au métier pour lequel il avait montré tant de goût et d'ardeur, celui d'homme de lettres. Un monument dû au ciseau du sculpteur Yvonne Seruys lui fut élevé à Sfax en 1930. Celui-ci, démantelé au moment de l'indépendance, a été réclamé par le maire de Voissant et réérigé dans cette commune en 1958. Pierre Voizard
PARMI SES ŒUVRES
- A travers l'Algérie, Charpentier, 1880, (389 p.). - La Tunisie devant les Chambres, Schiller, 1890. - Rapport à M. Rouvier, résident général, sur la culture de l'olivier dans le centre de la Tunisie, Imprimerie Rapide 1893 (87 p.) - Rapport à M. Rouvier sur l'élevage du mouton en Tunisie, Imprimerie Rapide, 1893 (40 p.). - Projet d'enquête sur le cactus, Imprimerie Rapide 1894. - Rapport à M. René Millet, résident général, sur la culture de l'olivier dans le nord de la Régence, Imprimerie Rapide, 1895. - « La viticulture en Tunisie » in la France en Tunisie, Ed. Carré et Naud, 1897. - Rapport sur les cultures fruitières et en particulier sur la culture de l'olivier dans le centre de la Tunisie, Imprimerie Rapide, 1899 (68p.).
BIBLIOGRAPHIE
- Paul Lambert, Dictionnaire de la Tunisie, 1912. - Auguste Chevalier, « Paul Bourde et l'agriculture coloniale », Revue de botanique appliquée et d'agriculture coloniale éditée par le laboratoire d'agronomie coloniale du Museum, 1926, - Pierre Mille, « Le père de la forêt, Paul Bourde », Le Temps n° du 12 avril 1930. - Jean Poncet, La colonisation et l'agriculture européenne en Tunisie depuis 1881, Mouton et Cie, 1961. - Pierre Voizard, « Communication à l'Académie des Sciences d'outre-mer ", Paris, 1er mars 1974. - Pierre Voizard, Hommes et Destins, tome 1. |