Prosper

Ricard

 
 

Narsault, 1874

Rabat, 1952

 

 

Artiste et protecteur des Arts, Prosper Ricard s'est attaché à développer l'art musulman sous toutes ses formes, particulièrement au Maroc

Prosper RlCARD né à Harsault dans les Vosges, le 24 février 1874, y fut tout d'abord instituteur. Bien que vivant dans un territoire resté français après la guerre de 1870, il avait été très frappé par la perte de l'Alsace-Lorraine. Nombre de ses condisciples de Metz étaient partis pour l'Algérie pour ne pas devenir Allemands. De 1896 à 1899 il effectua des voyages d'études en Lorraine, Luxembourg, Alsace et en Algérie.

Après son service militaire à Nancy, il partit pour Alger retrouver ses amis lorrains. Il fut d'abord étudiant à la section spéciale d'arts de la Bouzaréa d'Alger de 1899 à 1900. Directeur des "cours d'apprentissage des métiers d'art destinés aux indigènes" à Tlemcen, puis à Oran de 1900 à 1905, breveté de langues arabe et kabyle, il fut nommé inspecteur des enseignements artistiques et industriels à Alger.

Il fut remarqué par le général Lyautey1, alors commandant de la division d'Oran, lors d'une visite de ce dernier à une école professionnelle d'Arts indigènes. Le jeune sous-directeur lui avait montré les travaux de ses élèves, copies de tapis de Tlemcen et œuvres de marqueterie. "Je suis emballé par ce petit rouquin", avait déclaré le général, "c'est un véritable artiste qui a la foi et sait la communiquer". Aussi, lorsqu'il devint, en 1915, Résident général au Maroc, téléphonât-il au Gouverneur général de l'Algérie, Jonnart, pour lui demander de mettre à sa disposition l'instituteur et de le démobiliser. A Fès, il lui exposa ses projets de restauration et de conservation "Tu parles arabe, c'est parfait, je te nomme Directeur des Arts indigènes".

C'est donc, sous les auspices de Lyautey que sa carrière prit son essor, il fut successivement inspecteur des Arts indigènes à Fès et à Meknès, conservateur des musées d'arts musulmans de Fès (1915-1920), chef du service des Arts indigènes du Maroc à Rabat de 1920 à 1935.

Il organisa la transmission des techniques anciennes dans tous les domaines de l'artisanat local, ferronnerie, peausserie, tapisserie, dinanderie, céramique, ébénisterie et broderie en retrouvant et en sauvegardant les anciens motifs traditionnels. Il effectua des voyages d'études personnels : en Espagne sur l'art arabe (1907), dans le Moyen Atlas et le Sous (1921), ainsi que de nombreuses missions de consultant, pour le comte Vompi à Tripoli en 1925, et pour le gouvernement tunisien en 1931. Il donna également des conférences à l'Exposition Coloniale de Paris en 1931.

Le successeur de Lyautey, le général Noguès, lui accorda la même confiance. Il fut, en 1931, Directeur honoraire des Arts indigènes (Service des Arts et métiers du Maroc) et chargé, en 1940, de la préservation des productions artisanales. En 1949, il organisa le premier Congrès de l'artisanat Nord-Africain à Fès et à Rabat et, en mai 1951, la semaine des Arts et Techniques d'Afrique du Nord à Alger.

On lui doit la création et le développement de musées d'art musulman à Fès, Meknès et Marrakech et du musée des Oudaïas à Rabat. Sous son impulsion, l'industrie des tapis décupla. Lui-même en était un collectionneur raffiné. Il fit copier les plus belles pièces des musées par les élèves, fit connaître et vendre leurs réalisations. Il créa des sections d'art dans toutes les écoles de filles et des cours de formation artistique et artisanale pour les directrices et les institutrices. Sur ses suggestions, il en fut de même en Algérie, en Tunisie et en Tripolitaine.

Prosper Ricard avait la largeur d'esprit et la curiosité d'un homme de la Renaissance. Il soutint à Rennes une thèse sur les Parents et accessibles en droit musulman (1898). Flûtiste de talent il avait ouvert à Rabat un petit conservatoire de musique marocaine, introduisant dans les écoles d'Arts indigènes, les musiques andalouse et berbère.

Entouré de collaborateurs de talent, dont J. Revault à Tunis et le peintre Azouazou Mammeri, il leur fit appliquer l'essentiel de ses axiomes : "on n'améliore que ce que l'on connaît parfaitement et toute action de modernisation doit tenir compte de la tradition locale". Il mena une recherche personnelle concernant la description et la traduction de la majeure partie des inscriptions des monuments de Fès et de Marrakech, monuments d'où il tira sa connaissance de l'art musulman.

Couvert de décorations: Légion d'honneur, Ordres du Nicham Iftikar de Tunisie, du Ouissam Alaouite marocain, de la Couronne d'Italie et du Cambodge. Après sa retraite, il prodigua ses conseils et donna de nombreuses conférences, acharné à transmettre un savoir qui, jugé obsolète, était en voie de disparition. Ses derniers mots furent "Nous habitons un pays heureux qui invite à la joie de vivre et à la gaité. Pourquoi être triste ?".


Annie Krieger Krynicki.

 

1 - Voir la biographie de Lyautey dans Les Cahiers d'Afrique du Nord, N° 11.

 

 

 

   

 

Bibliographie :

Témoignages : Dr Jules Colombani, Directeur de la santé au Maroc et Azouazou Mammeri in Cahiers des Arts et Techniques d'Afrique du Nord (1951-1953).

Parmi ses œuvres :

* Articles

. La grande mosquée cathédrale de Fès El Qaraouyne, 1918.

.L'évolution de l'architecture et de la décoration à Fès, 1920.

.Les monuments arabes du Maroc, 1921. Corpus des tapis marocains, 1923. Merveilles de l'autre France (Algérie, Tunisie, Maroc), 1924

.Reliures marocaines du XIIe siècle, 1931. Vie de Mahomet (1952).

* Guide du Maroc, préface du général Lyautey, 1930.

* Collaboration au Guide Bleu d'Algérie avec Stéphane Gsell, 1931.

 

 

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