Le père

Peyriguère

Le Père Peyriguere à Leuba (près de Kebbab), 1935

BIBLIOGRAPHIE

- G. GORRÉE : Au-delà du père de Foucauld: le père Peyriguère, Paris, Centurion, 1960,159 p.

- M. LAFON : Le père Peyriguere, Paris, Seuil, 1963,206 p.

- G. GORRÉE et G. CHAUVEL: Albert Peyriguère, vie et spiritualité, Tours, Mame, 1968,174 p.

- Hommes et Destins: notice rédigée par le père Georges Gorrée, Tome II, Volume II, 1977.

Surnommé par les Berbères « le marabout d'El-Khab », le père Peyriguère, à l'instar du père de Foucauld, qui fut son modèle, a consacré sa vie aux populations pauvres du Moyen-Atlas marocain avec une inlassable charité.

Né en 1883 dans une famille ouvrière, il fait ses études au petit séminaire de Talence, dans la banlieue de Bordeaux. Ordonné prêtre le 8 décembre 1906, il passe brillamment sa licence ès lettres et prépare une thèse sur saint Bernard et le mouvement mystique du XIIe siècle. Il devient professeur au petit séminaire de Bordeaux. Mais la guerre éclate. Grièvement blessé à Verdun pour avoir fait un rempart de son corps à un blessé, il obtient quatre citations.

De retour à Bordeaux, après la guerre, il est irrésistiblement attiré par l'Afrique. Agréé en 1920 par l'archevêque de Carthage, il est nommé en Tunisie curé de Hammamet. Son aspiration à fonder une « Fraternité des Petits Frères de Foucauld» se concrétise en 1926 à Ghardaïa (Sud algérien), mais la maladie le contraint à abandonner son projet. Il le réalisera quelques temps plus tard au Maroc où monseigneur Vielle, vicaire apostolique de Rabat, lui demande de venir en aide aux habitants de la région du Sous. Il s'installe à El-Khab, près de Khénifra.

C'est le début pour le père Peyriguère d'une aventure extraordinaire. Il se fait Berbère parmi les Berbères. Il a une vocation de pionnier. Pendant trente ans, il ne cesse de soigner les malades de la montagne. Des Marocains n'hésitent pas à faire trente, cinquante kilomètres, et parfois plus, pour se rendre au dispensaire du « marabout blanc » qui les accueille toujours avec beaucoup de délicatesse, respectant leurs coutumes. Des caravanes d'enfants descendent de la montagne au début de l'hiver. Ce sont de petits malheureux en loques, grelottant de froid. Le Père les reçoit avec bonté et, grâce à des colis reçus de France, il leur distribue des vêtements. L'hiver avant sa mort, il a pu ainsi vêtir chaudement plus d'un millier de Berbères.

Le Père ne compte que sur les fonds de la providence. Il ne connaît pas d'autre banquier. « Le Bon Dieu paie mes dettes avec une régularité que le monde ne peut imaginer et qui fait de la vie du missionnaire un miracle perpétuel », confiera-t-il.

Comme le père de Foucauld, il aurait pu dire « que tous sachent bien loin, à la ronde, que la Fraternité est une maison de Dieu où tout pauvre, tout hôte, tout malade est toujours invité, appelé, désiré, accueilli avec joie et gratitude par ses frères qui l'aiment et le chérissent, et regardent son entrée sous leur toit comme l'arrivée d'un trésor; ils sont en effet le trésor des trésors, Jésus même. »

Le Père ne dort que quatre heures par nuit sur une simple planche. Les autres heures sont consacrées au travail intellectuel, et surtout à la méditation de l'Evangile. Il prend dans sa prière les Berbères qui l'environnent.

Le marabout d'El-Khab était comparé par la chanson berbère à un arbre à l'ombre duquel se réfugient les pauvres. Il arriva un jour que le « grand arbre » se brisa. Agé de soixante­quinze ans, usé par le labeur, le Père doit entrer à l'hôpital de Casablanca. Il y meurt quelques jours plus tard, le 26 avril 1959. C'était le cinquième dimanche après Pâques, à la messe, le prêtre lisait ces paroles: « Je retourne auprès de Celui qui m'a envoyé. »

Il est enterré à El-Khab. La population se presse à ses funérailles. Un jeune Berbère lui adresse un suprême hommage : « Tous les pauvres étaient sa famille, tous les hommes étaient ses frères, Dieu soit miséricordieux pour lui ».

Odette Goinard