Alphonse

Lemoce de Vaudouard

 
 

Paris 1820


Parmi les hommes qui ont contribué à écrire l'histoire de l'Afrique du Nord, il est un homme que l'on a pu appeler le premier archiviste de l'Algérie française. Pendant près de dix ans, il s'est entièrement consacré à rassembler une énorme documentation.

 

Alphonse Lemoce de Vaudouard est né à Paris le 16 février 1820. Son père, Jacques Ferdinand Alphonse de Vaudouard avait été baptisé à Villeneuve-sur-Yonne le 1er avril 1782. Dès l'âge de vingt-et-un ans, à compter du 16 mai 1841, Alphonse est employé aux travaux de fortifications de la ville de Paris.

Au tirage pour le service, il a le numéro 412 et comme l'on n'appelait que jusqu'au numéro 100, il est définitivement libéré des obligations militaires. En décembre 1844, il est admis au concours de commis de rédaction de vérificateur au ministère de la Guerre.

A partir du 18 novembre 1845, et en qualité de commis expéditionnaire, il travaille au numéro 86 de la rue Saint­Dominique à Paris, où il est remarqué et chaudement recommandé par le général de Fleury et par le commandant du génie de Fuchsamberg qui l'avait employé pendant deux ans. Ses notes sont toujours très élogieuses en raison du zèle qu'il déploie dans toutes les tâches qui lui sont confiées.

Le 1er janvier 1857, Alphonse Lemoce de Vaudouard est muté au ministère de l'Algérie et des Colonies en qualité de commis ordinaire. Un an et demi plus tard, le 1er juillet 1858, il est nommé à la direction d'Alger, pour y occuper, à

compter du 16 juillet de cette même année, les fonctions d'archiviste.

En sa qualité de commis, de Vaudouard conçoit un plan gigantesque et le poursuit durant dix ans avec ardeur, persévérance, intelligence et désintéressement. Il s'agit d'un vaste dictionnaire de l'Algérie divisé en quatre parties : la bibliographie, la géographie historique et statistique, la biographie militaire et administrative et enfin les éphémérides.

Dans un article que lui consacrait le Centre algérien[1], dans son édition du 10 décembre 1856, Jules Duval écrivait: « Par un système habilement combiné de notes, de cartes, d'écritures, réunies en cahiers et en volumes, il a fini par composer un ensemble herculéen de documents. M. de Vaudouard se prête volontiers et trop modestement à traduire son œuvre en mètres cubes et en kilogrammes de papier et de chiffres. Voulez-vous découvrir quoi que ce soit de l'Algérie dans le cadre que je viens d'indiquer, il vous le trouvera de suite.

Ce monument de patientes investigations a été, nous le savons, apprécié avec bienveillance par les ministres de la Guerre, il mériterait d'être exhumé des catacombes où il repose obscurément. »

Considéré comme un fonctionnaire prenant sa tâche très au sérieux, employé consciencieux er méticuleux, M. de Vaudouard «  n'ayant pas de bibliothèque a dû travailler chez lui ». Depuis que la maison de la rue d'Orléans à Alger a été mise à sa disposition, il déploie une grande activité à mettre de l'ordre dans le contenu de cent quinze caisses qui n'avaient pas été ouvertes.

A compter du mois de juillet 1865, il est pourtant détaché au ministère de la Guerre pour le triage des archives de l'ancien ministère de l'Algérie et des Colonies. Enfin, c'est par une note du 22 septembre 1865 que prend fin la mission de ce premier et zélé archiviste de l'Algérie française. De plus, comme de nombreux précurseurs dans des domaines aussi différents que la géographie, la cartographie, l'hydrographie ou de la recherche minière en Algérie, Alphonse Lemoce de Vaudouard se dotait des moyens de compléter ses archives en puisant sur sa cassette personnelle. Ainsi, il avait pu se rendre acquéreur d'une brochure, un pamphlet violemment anti-français, attribué à Bannister et intitulé : « Appel en faveur d'Alger et de l'Afrique du Nord », édité en 1835 à Paris chez Donday Dupré, imprimeurs-libraires, 17 bis rue Richelieu. Sa signature indique sans ambiguïté qu'il en a été propriétaire.

Cette plaquette qui se trouve aujourd'hui dans une bibliothèque privée, inspira de nombreux hommes politiques parmi lesquels, A. Desjobert, député de Seine-inférieure, pour son ouvrage intitulé La Question d'Alger. Ce document de trois cents pages fut publié en 1837 chez P. Dufart, libraire, 7 quai Malaquais à Paris. Cet ouvrage inspira à son tour des hommes politiques et des journalistes confrontés aux problèmes posés par l'Algérie de 1830 à 1962 et même après.

Pour tous ceux qui considèrent encore aujourd'hui que l'histoire de l'Algérie reste en grande partie à écrire, il convient de se souvenir d'Alphonse Lemoce de Vaudouard, d'Adrien Berbrugger, d'Edouard Cat, d'Oscar Mac Carthy et plus près de nous, de Robert Tinthouin, de Charles Uthéza et de tant d'autres.

Ces obscurs conservateurs de la mémoire, certains bien oubliés, nous dispensent encore les richesses de leur discret labeur. Ils les mettent à la disposition de tous ceux qui considèrent que l'Histoire fait la Loi, qui elle-même ouvre la voie à la considération et au droit.

Edgar Scotti


 

[1] Le Centre algérien, journal de l'Afrique du Nord et de l'Orient, rendait compte deux fois par mois des livres dont on déposait deux exemplaires dans ses bureaux, 3 rue de Provence à Paris. Ce journal paraissait le 10 et le 21 de chaque mois.

 

 

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